Akai ito
livre 1
Chapitre 32
- Ah, tu es de retour, ma petite Megumi ! S'enthousiasma Akihoshi.
- Mais... tu es seule ? S'étonna Daisuke en regardant derrière elle.
Megumi venait de franchir le grand portail et s'avançait vers les deux hommes, le cœur lourd.
- Hayate est reparti. Ses hommes patrouillaient toujours en ville, alors...
- Ah, je vois, fit le commandant. Bon, alors ? Ce premier jour de travail ?
- Ah, ça s'est bien passé, dit-elle en s'efforçant de lui sourire. J'y retourne demain.
- Ah... marmonna-t-il, manifestement déçu. J'avais espéré que tu reviendrais en nous disant que travailler n'était finalement pas une bonne idée...
- Ha ha, désolée commandant, mais non. Cela n'arrivera pas... En plus, le patron est vraiment adorable.
- Mmh... baragouina-t-il, un peu boudeur.
- Bon, où est Kyosuke ? Il doit me donner ma première leçon, cet après-midi.
- Ah ? Mais, tu n'as pas encore mangé, lui rappela Daisuke avec un sourire.
Megumi le regarda en clignant bêtement des yeux, puis elle pouffa de rire en réalisant qu'elle avait effectivement très faim.
Mais avec ce qui venait de se passer avec Hayate, elle en avait oublié son estomac.
- C'est vrai que j'ai faim...
- Hum ! Allez manger tous les deux, fit Akihoshi en regardant ailleurs d'un air mal à l'aise. Tu n'as pas encore déjeuné Daisuke, n'est-ce pas ?
- Vous non plus, commandant, fit Daisuke d'un air blasé.
Megumi les regarda sans comprendre.
Pourquoi Akihoshi rougissait-il comme une tomate ?
- Oui, mais hum... je n'ai pas très faim, pour l'instant, marmonna-t-il, gêné. Bien, je vous laisse ! Prenez votre temps !
Le commandant se dirigea vers la zone d'entraînement à grandes enjambées sous le regard las et amusé de Daisuke.
- Qu'est-ce qu'il a ? S'enquit-elle.
- Il veut que je t'épouse.
- Ah, je vois.
Megumi marqua un temps d'arrêt et fixa le vide pendant un moment tandis que l'information faisait son chemin jusqu'à son cerveau.
- HEIN ? QUOI ? S'affola-t-elle en levant de grands yeux choqués vers le capitaine.
- Et il s'est éclipsé pour nous laisser nous rapprocher, tranquillement, ajouta-t-il, amusé.
- Mais... Hein ?! Paniqua-t-elle en rougissant comme une tomate, mais il... Mais pourquoi ?
Il haussa les épaules, très serein. Il ne semblait pas du tout troublé par les manigances du commandant.
- Il veut te mettre vite en sécurité et à l'abri du besoin, je suppose, s'amusa-t-il en commençant à s'avancer vers la cuisine. Il n'aime pas l'idée que tu puisses partir vivre ta vie à tout moment, seule, et sans protection.
- Et il veut me coincer en me mariant ? Marmonna-t-elle. Tu as refusé, j'espère ?
- Ha ha, évidemment, tu n'es encore qu'une petite fille ! la taquina-t-il.
- Je ne suis pas petite !
Megumi se sentit à la fois soulagée et vexée par la réaction de Daisuke.
Il se semblait pas du tout la voir comme une femme.
« En vérité, je ne le regarde pas de cette manière non plus, mais c'est tout de même un peu vexant. »
- Va t'asseoir, tu dois être épuisée, l'invita Daisuke en ouvrant une marmite garnie de nourriture.
- Ah, c'est déjà prêt ? s'étonna-t-elle en prenant un siège avec soulagement.
- Oui, je l'ai préparé avec Eisuke, dit-il en la servant. Attention, c'est encore chaud.
- Merci, souffla-t-elle, reconnaissante.
Elle commença à déguster son repas tandis que Daisuke prenait place, face à elle.
- Bon ! Dit-il en attrapant des baguettes. Et si tu me disais ce qui n'allait pas maintenant ?
Megumi faillit avaler de travers.
Elle leva un regard surpris vers le capitaine qui lui souriait d'un air entendu.
- Je l'ai senti avant même que tu n'aies franchi le portail, lui dit-il avec douceur malgré son ton léger.
La jeune femme le regarda pendant un instant sans rien dire, puis elle baissa les yeux vers son bol avant de continuer de manger tristement.
Elle avait presque oublié qu'il était doué pour lire les émotions des gens.
- Enfin, ce n'est pas une obligation, ajouta-t-il. Je l'ai surtout dit pour que tu ne te sentes pas obligée de sourire. C'est fatiguant de se forcer.
Il lui fit un sourire si doux et gentil que Megumi dut se contenir pour ne pas pleurer...
Elle soupira lourdement et prit une bouchée en cherchant ses mots.
Hayate...
Eisuke...
Sa tête était un bordel sans fin, elle rêvait de se confier à quelqu'un, mais elle n'en avait pas la force.
Pas aujourd'hui...
- Je crois... que j'ai blessé Hayate, tout à l'heure, avoua-t-elle enfin à voix basse.
- Ah ?
Il la regarda d'un air un peu étonné tandis qu'elle se mordait la lèvre en tripotant machinalement ses couverts.
- Tu sais... Hayate est difficile à atteindre. Je ne pense pas que...
- Si je l'ai fait ! L'interrompit-elle, la gorge nouée. Crois-moi...
Elle ne comprenait pas pourquoi cette idée la peinait autant.
Ce qu'elle avait fait n'était rien comparé à tout ce qu'il lui avait fait subir.
Mais c'était plus fort qu'elle. Elle détestait blesser les gens...
Elle voyait encore clairement son regard fou alors qu'il cognait l'arbre tout près de son visage...
Si Akihoshi l'avait recueilli jeune, ses parents devaient être morts depuis longtemps.
Une bien cruelle épreuve pour un enfant...
- Nous nous sommes disputés et... j'ai dit quelque chose de blessant à propos de ses parents, lui avoua-t-elle honteusement.
- Ah ? Il t'en a parlé ? S'étonna-t-il.
- Euh non... Mais je suppose qu'ils sont morts, non ?
- Oui, ils le sont... marmonna-t-il, étrangement un peu mal à l'aise. Mais bon, ne te torture pas trop. D'habitude, c'est lui qui se montre maladroit envers toi, vous êtes loin d'être quitte.
- Oui, c'est sûr, mais... Ce n'est pas une raison.
Il lui sourit en lui faisant signe de continuer son repas.
- Si ça te tourmente trop, tu peux toujours lui présenter tes excuses...
Megumi soupira de nouveau, lourdement.
- Mmh... Je pense que c'est ce que je vais faire.
Elle n'en était pas certaine, en réalité. C'était plutôt à lui de s'excuser pour tout ce qu'il lui avait fait. Mais il était du genre à agir comme il l'entendait et sans jamais éprouver de regret.
Ce qui était loin d'être le cas de Megumi...
- Et sinon ? Tes parents, Daisuke ? Tu ne m'as jamais parlé d'eux.
- Ah, ils vivent dans un village du sud, maintenant, lui apprit-il, ma mère est de constitution fragile, elle a besoin de vivre près de la mer pour se sentir bien.
- Vraiment ? Tu ne dois pas les voir souvent, du coup.
- Non, malheureusement, sourit-il. Mais nous nous écrivons souvent. Kyosuke a fait une halte chez eux pendant son voyage. D'après lui, notre mère ne s'est jamais aussi bien portée. Je préfère la savoir loin mais en bonne santé.
Megumi sourit, attendrie, et observa Daisuke tandis que son regard nostalgique se perdait dans le vide.
- C'est pour elle que j'ai choisi cette voie. Elle a toujours souhaité voir ses fils au service du Roi. Mais...
Un court silence s'installa et il termina, d'une voix basse, comme pour se parler à lui-même :
- Mais, je me demande maintenant, si je sers la bonne personne...
Son regard était lointain, comme s'il avait oublié la présence de Megumi.
La jeune femme le regarda, intriguée, en terminant enfin son bol.
- Tu parles du Roi Sando ?
Il sortit de ses pensées et la regarda d'un air un peu étonné avant de secouer la tête en souriant comme si de rien n'était.
- Non, rien, oublie ça.
Megumi le dévisagea avec attention en regrettant de ne pas avoir le même pouvoir que lui.
À quoi pensait-il ? Qu'avait-il voulu dire ?
Elle se souvint alors de son arrivée dans ce monde, et de cette bataille sanguinaire qu'elle aurait préféré ne jamais voir...
Daisuke et les autres avaient rapidement stoppé la rébellion, mais ils étaient rentrés au domaine sans pourtant manifester la moindre joie.
Elle se souvenait de la mine honteuse qu'affichaient certains, mais aussi du sourire triste d'Akihoshi.
Mais pour quelle raison ? Et pourquoi une partie du peuple s’était-elle rebellée ?
Était-il une si mauvaise personne ? Ce Roi Sando ?
- MEGUMI ? T'ES LÀ ? Retentit soudain la voix de Kyosuke depuis l'entrée.
Megumi sursauta et sortit net de ses pensées.
- Oui, dans la cuisine ! S'écria-t-elle. Attends, je viens !
* * *
- Je ne peux pas m'entraîner avec une vraie arme ? Se plaignit-elle en fixant son sabre en bois avec lassitude.
- Rien que ça ? Allez ! En place ! Fit Kyosuke, blasé.
- Mais, je pense avoir pigé le truc. Ça fait deux heures au moins que je m'entraîne avec ce jouet pour enfant !
- Ouais. Et tu as fait des figures tellement improbables que tu aurais déjà perdu un ou deux doigts s'il n'avait pas été en bois !
- Roh, mais je ferai plus attention avec un vrai !
- J'ai dit non ! Et puis, de toute façon, nous nous entraînons rarement avec nos vraies armes. Ça serait bien trop dangereux.
- Menteur ! Je t'ai vu faire avec Daisuke ! Plein de fois !
- Moi, je peux ! Décréta-t-il en bombant le torse, un sourire fier aux lèvres. J'ai la pratique et le talent. Mais ne t'inquiète pas, tu devrais atteindre mon niveau d'ici un siècle ou...
Megumi en profita pour l'attaquer par surprise, mais il para son coup par réflexe en ricanant.
- Je disais, reprit-il moqueur. D'ici un siècle ou deux... Mais tout compte fait, je dirais plutôt huit ou neuf, finalement...
Megumi attaqua de nouveau en grondant de colère, déterminée à l'atteindre avec ce ridicule sabre en bois, mais il évitait ses attaques avec tant d'aisance qu'il semblait savoir à l'avance où elle comptait frapper.
C'était insupportable !
- Par l'Unique, quelle lenteur, soupira-t-il avec ennui, tandis qu'elle s'appuyait contre ses genoux pour reprendre son souffle.
- J'ai travaillé ce matin ! Se défendit-elle. Je suis fatiguée !
- Un vrai homme ne se plaint pas.
- Je suis une fille ! Râla-t-elle en se redressant.
- Ah ouais ?! Dans ce cas, repose cette arme, quitte ton travail et contente-toi de faire des trucs de filles, comme raccommoder des vêtements ou faire la parlotte avec les bonnes femmes du coin.
- Mon Dieu, ce que tu peux être macho... soupira-t-elle avec lassitude.
- Je ne peux pas t'apprendre des trucs d'hommes en te traitant comme une femme ! Alors cesse de te plaindre et en garde !
- Je ne t'ai jamais dit de me traiter comme une femme, râla-t-elle en reprenant la position de combat qu'il lui avait enseignée.
- Écarte un peu plus les pieds, lui dit-il en tapotant sa cheville avec la pointe de son sabre en bois. Lève ton bras droit un peu plus haut... Voilà, garde bien cette position à l'esprit !
- Mmh ok, répondit-elle en hochant la tête.
- Allez, concentre-toi et attaque. Essaye de toucher un des points vitaux que je t'ai montrés !
Elle hocha de nouveau la tête, le regard déterminé et se rua sur lui. Il para son attaque sans surprise, et elle enchaîna en tentant de faire quelques feintes, mais cet homme avait une intuition surhumaine.
Même en faisant mine de vouloir frapper à la cuisse, il devinait qu'elle visait en réalité le cœur.
Et plus elle enchaînait les assauts ratés, plus elle devenait furieuse et frappait à l'aveuglette.
- Concentre-toi, la reprit Kyosuke avec sévérité, tu fais n'importe quoi là !
Megumi fit un bond en arrière pour prendre de l'élan et rebondir vers lui, mais elle utilisa sa cheville pas totalement guérie. La douleur la prit par surprise et elle s'étala sur le sol, en tombant sur le dos.
« Raaaah, quelle idiote ! » pesta-t-elle intérieurement en se redressant sur ses coudes.
Kyosuke soupira en secouant la tête avec lassitude tandis que Daisuke venait à leur rencontre, un sourire amusé aux lèvres.
Depuis combien de temps était-il là ?
- Ne sois pas si impatiente, tête brûlée, s'amusa-t-il en lui tendant la main.
Elle marmonna avec mauvaise humeur et accepta son aide.
Une fois sur ses jambes, elle attaqua soudain Kyosuke, mais il para son coup avec un sourire, en fermant les yeux d'un air supérieur et faussement indulgent.
Une expression qui l'exaspéra profondément.
- Pas mal le coup de la surprise, s'esclaffa Daisuke en reculant, les bras croisés, pour mieux observer le « combat ».
Megumi faisait de son mieux. Elle était déterminée à effacer cet air impertinent de son visage, mais sans surprise, elle ne parvint pas à le toucher, et Kyosuke termina la séance avec une session de renforcement musculaire qui l'acheva pour de bon.
Après son habituel bain glacé, elle se traîna jusqu'à son futon et s'écroula de fatigue en fin d'après-midi, sans dîner.
Son corps n'était que douleur. Son dos et ses bras avaient été déjà bien malmenés durant la matinée à la boutique. Et son entraînement l'avait définitivement assassinée...
Elle se sentait si lourde qu'elle avait l'impression de s'enfoncer dans son futon, elle soupira de bien-être, soulagée d'être enfin couchée, et le visage fou d'Hayate commença à la hanter tandis qu'elle sombrait dans la somnolence…
« Purée mais dégage ! »
Et même lorsqu'elle fut complètement endormie, le son de sa voix la suivit jusque dans ses rêves.
* * *
Le cœur de Megumi battait à tout rompre. Ses poumons étaient en feu.
Elle ignorait depuis combien de temps elle fuyait à travers les bois. Une nuit ? Deux ? Huit ?
Le temps semblait s'être arrêté tant la nuit refusait de laisser la place au jour.
Le silhouette du loup traversa le clair de lune, elle tenta de crier, mais aucun son ne quittait sa gorge.
Elle se faufila entre les arbres en retenant son souffle, la bête était toujours à ses trousses...
Les branches qui lui fouettaient la peau la ralentissait. La végétation devenait de plus en plus dense. Elle la retenait, se renfermait sur elle, comme pour aider le loup à capturer sa proie.
Désespérée, elle tenta de hurler, mais sa gorge serrée et en feu étouffait sa voix dans sa poitrine.
Soudain, une masse s'abattit sur elle et elle se retrouva brutalement écrasée sur le sol.
Une odeur puissante et excitante embauma soudain l'air, et lorsque le loup la retourna, elle croisa deux merveilleux yeux verts dans la nuit.
Un regard envoûtant, captivant...
Comme attirée par sa lumière, elle se redressa sur ses coudes et soupira de bonheur lorsque des lèvres bien humaines se plaquèrent contre les siennes dans l'obscurité.
Ivre de désir, elle aurait voulu l'enlacer, le serrer, le supplier d'éteindre cette terrible flamme qui s'était allumée en elle...
Mais elle ouvrit brusquement les yeux et fixa le plafond de sa chambre d'un air égaré.
Il lui fallut un bon moment pour remettre les pieds dans la réalité.
« C'était quoi ce rêve... ? »
Elle soupira et passa sa main sur son visage en jetant un œil vers la porte menant à l'extérieur.
Quelle heure était-il ?
Il faisait encore nuit.
Elle s'était endormie bien trop tôt, résultat, elle était totalement décalée.
À présent, elle avait faim et soif...
Elle poussa un soupir, et s'extirpa de ses couvertures avec une grimace de douleur.
Son dos et ses épaules étaient raides et douloureux. Elle prit le temps de s'étirer, puis elle se leva difficilement, alluma sa petite lanterne, et se rendit à la cuisine en espérant trouver de quoi grignoter.
Elle eut alors la surprise de trouver un bol à sa place habituelle.
Ils avaient pensé à elle.
Touchée, elle remercia mentalement celui qui avait préparé ce repas et engloutit le contenu du bol à toute vitesse avant d'avaler un demi-litre d'eau.
Une fois rassasiée, elle nettoya sa vaisselle en essayant de ne pas trop faire de bruit et décida de passer par l'extérieur pour retourner dans sa chambre, histoire de prendre un peu l'air.
Il faisait un peu frais, mais c'était rudement agréable après avoir tant transpiré en cauchemardant...
Les images de son dernier rêve lui revinrent à l'esprit et elle se mit à rougir.
Ces yeux verts la hantaient encore.
« Bon sang, mais c'était quoi ce rêve bizarre ? Je ne tourne vraiment pas rond, moi... »
Soudain, elle remarqua une silhouette du coin de l'œil et tressaillit en pensant voir un fantôme.
C'était Hayate...
Il était nonchalamment assis sur le sol, face au jardin et fixait le ciel d'un air sombrement hagard, la tête lancinante.
Megumi resta pendant un bon moment ainsi, sans bouger, à le regarder sans savoir quoi faire.
Son cœur battait à mille à l'heure, elle avait les mains moites...
Elle ne s'attendait tellement pas à tomber sur lui au beau milieu de la nuit.
Que faisait-il là, tout seul, à une heure pareille ?
Son regard vitreux fixait la lune d'un air vide.
Il n'avait pas l'air triste, pourtant, Megumi sentait une profonde solitude émaner de lui…
« Est-ce à cause de moi ? »
« À cause… de ce que je lui ai dit ? »
Elle sentit son cœur se serrer davantage...
Elle n'était pas très rassurée, mais elle ne pouvait pas retourner dormir après l'avoir vu ainsi...
Elle aurait emporté cette triste vision dans ses rêves.
Alors elle décida finalement de le rejoindre.
Elle aurait préféré attendre que la maison soit levée pour lui parler, mais il était trop tard pour reculer.
Elle retint son souffle et se posta derrière lui, sans rien dire.
Un silence s’installa...
Il savait qu'elle était là, elle en était certaine, pourtant, il ne jeta pas un seul regard dans sa direction...
Elle déglutit difficilement et joignit ses mains devant elle, un peu embarrassée.
- Hayate ? Chuchota-t-elle.
Pas de réaction. Elle se mordit la lèvre en espérant ne pas être la responsable de ses tourments.
Elle n'aurait jamais dû évoquer ses parents décédés. Elle aurait tant voulu revenir en arrière...
- Ça va ? Souffla-t-elle.
Il hocha la tête.
Son visage était vide de toute expression, pourtant, Megumi avait la sensation qu'il était en réalité complètement abattu.
Elle hésita avant de lui demander :
- Je peux m'asseoir ?
Il haussa les épaules, l'air de dire « Tu fais ce que tu veux », et la jeune femme s'installa près de lui en rougissant, le cœur affolé.
Un nouveau silence s'écoula et elle tripota le tissu de sa robe, toute gênée, avant de jeter un discret coup d'œil dans sa direction.
En le voyant regarder en l’air, les yeux vides, Megumi suivit son regard...
Le ciel était parfaitement dégagé. Les étoiles scintillaient de mille feux.
« C’est magnifique... »
Ils regardèrent le ciel durant un long moment ainsi, sans se parler et Megumi sentit son cœur se calmer peu à peu.
Son malaise disparaissait, au fur et à mesure qu'elle se perdait dans la contemplation des étoiles...
- Tu viens de rentrer ? demanda-t-elle doucement.
- Mmh, ouais... souffla-t-il.
Megumi réalisa alors brusquement qu'une odeur d'alcool émanait du capitaine et que sa tête était lancinante.
Était-il saoul ? Il semblait complètement éteint.
- Le commandant a dû s'inquiéter… dit-elle tout bas.
- Et alors ?
Megumi le regarda avec surprise.
- « Et alors ? » répéta-t-elle, tu ne le vois peut-être pas mais lorsque tu ne te présentes pas pour dîner, il se fait beaucoup de mauvais sang pour toi. Il jette toujours des regards vers la porte dans l'espoir de te voir débarquer.
- Mmh... Je ne suis plus un gamin, marmonna-t-il avec indifférence.
Ses paupières étaient lourdes, il avait visiblement beaucoup trop abusé ce soir...
Il était inutile d'essayer d'avoir une discussion pour le moment.
- Tu devrais aller te coucher... Tu as l’air d’avoir un peu trop bu.
- Mmh... J'irai après.
Son ton était évasif et Megumi songea qu'elle l'avait probablement dérangé.
Il était tranquillement posé sous le ciel étoilé, et elle s'était un peu incrustée dans son moment de tranquillité.
Mal à l'aise, elle se leva en rougissant d'embarras, mais alors qu'elle s'apprêtait à s'en aller, la jeune femme eut l'étrange impression de l'abandonner...
Il n'avait pourtant pas besoin d'elle.
Il n'avait jamais eu besoin d'elle...
- Tu veux... que je t'aide à retourner dans ta chambre ?
Il fixa le vide pendant un instant, comme s'il ne l'avait pas vraiment écouté et Megumi comprit qu'elle ne pourrait jamais retourner dormir avant de s'être assurée qu'il allait bien.
Il dégageait quelque chose d'inquiétant, mais elle n'arrivait pas réellement à savoir pourquoi elle se faisait tant de soucis, ni ce qu'elle craignait réellement...
Elle n'aimait simplement pas le voir ainsi. Elle préférait largement le voir sourire avec arrogance comme à son habitude.
Sans vraiment réfléchir à ce qu'elle était en train de faire, elle s'accroupit près de lui, fit glisser son bras sur ses épaules et le força à se lever.
Contre toute attente, il se laissa faire, la tête lourde et Megumi comprit à quel point il avait bu.
Il tenait à peine sur ses jambes.
« Purée, ce qu’il est lourd ! »
Megumi avait le dos douloureux après la journée intense qu'elle avait passée, mais elle allait devoir se faire violence jusqu'au futon du capitaine.
Sa chambre était placée à l'opposée…
Megumi décida alors de passer par le jardin, afin d'éviter de réveiller toute la maison en empruntant les couloirs.
Hayate piquait du nez, ses paupières étaient quasiment fermées, mais il parvenait tant bien que mal à marcher, sans trop s'appuyer sur Megumi.
La jeune femme l'aidait surtout à garder son équilibre finalement.
« Et heureusement… Il pèse au moins une tonne ! »
Avant de franchir le sol du couloir extérieur, Megumi l'aida à s'asseoir, puis elle retira ses chaussures, et débarrassa Hayate de ses bottes en se demandant intérieurement pourquoi elle se donnait tant de mal pour un type qui l'avait traitée comme une moins que rien.
Même si elle l'avait blessé durant l'après-midi, ce n'était rien à côté de tout ce qu'il lui avait fait subir !
« Enfin... Disons que je le fais uniquement pour cesser de culpabiliser comme une imbécile ! » se dit-elle.
« Uniquement pour cette raison ! »
Lorsqu'ils arrivèrent enfin face à la porte extérieure de sa chambre, Megumi l'ouvrit d'une main sans lâcher le jeune homme et la referma derrière elle après avoir vérifié qu'aucun soldat de garde ne les avaient remarqués.
« Hors de question que j'entende des rumeurs salaces circuler demain matin à mon sujet » se dit-elle en s'avançant vers le futon.
Mais elle réalisa vite grâce aux rayons de la lune que tout était bien plié dans un coin de la pièce, alors elle aida Hayate à s'asseoir sur le sol et la tête de celui-ci tomba de nouveau vers l'avant.
Il semblait déjà avoir sombré dans le monde des rêves.
La jeune femme s'empressa de déplier le futon et d'arranger les couvertures, avant de retourner vers lui.
- Ton futon est prêt, Hayate, chuchota-t-elle en posant ses mains sur son dos pour le guider.
Le capitaine se laissa entraîner et poussa un soupir endormi lorsque sa tête s'enfonça enfin dans son oreiller.
- Idiot... soupira-t-elle en le recouvrant avec douceur. Tu as vraiment dû boire comme un trou pour te retrouver dans cet état...
Elle cala correctement les couvertures et poussa un soupir en se perdant dans la contemplation de son visage, faiblement éclairé par la lumière de la lune.
Ainsi, il lui paraissait si irréel...
Comment un être humain pouvait-il posséder un visage aussi diablement sexy ? C'était tellement injuste...
Lorsqu'elle réalisa soudainement qu'elle le dévorait des yeux, elle s'empressa de détourner le visage en rougissant de honte.
« Bon... Assez traîné ! Il est temps de retourner dormir. »
Megumi fit un geste pour se lever mais une poigne brûlante la retint par le poignet.
Elle tressaillit et baissa un regard surpris vers le visage d'Hayate.
Il semblait pourtant dormir à poings fermés.
- Où tu vas ? Souffla-t-il d'une voix endormie.
Megumi sentit son cœur lui brûler la poitrine tant elle était surprise.
- Je... Je vais retourner dormir... bégaya-t-elle sur le ton de l'évidence.
Il marmonna des incohérences avant de chuchoter :
- Reste encore un peu...
Megumi rougit jusqu'à la racine des cheveux et commença sérieusement à douter de ce qu'elle entendait.
- Qu'est-ce que tu racontes ? Demanda-t-elle d'une voix tremblante.
Pensait-il être encore en ville ? Dans le lit d'une de ses petites copines ?
Cette idée lui pinçait le cœur avec rage alors elle tenta de nouveau de se lever mais il resserra sa poigne.
- Megu chan, s'il te plait... gémit-il, d'une voix rauque.
La jeune femme faillit en tomber par terre.
C'était donc bien à elle qu'il s'adressait !
Ce qu'elle ressentait était si violent qu'elle en avait le souffle coupé.
Sa raison lui criait de ne pas se faire avoir. De le repousser et de retourner dans sa chambre, mais...
- Ok... céda-t-elle, un peu prise de court.
Megumi retint un petit cri de justesse lorsqu'il la tira vers lui et elle s'affola aussitôt en se retrouvant soudain contre le corps brûlant d'Hayate.
- Mais, arrête ! Qu'est-ce que tu fais ?! S'étouffa-t-elle en s'empressant de se retourner pour partir.
Mais Hayate enlaça son ventre et blottit son visage contre son dos en soupirant lourdement, avant de s'endormir pour de bon.
Elle se figea, le corps tout raide et sentit la température de son corps grimper en flèche au contact de ses mains sur elle.
Elle avait l'impression d'avoir le ventre en feu.
Et lorsqu'elle sentit la respiration d'Hayate s'apaiser contre sa nuque, elle cessa de lutter et laissa sa tête retomber lentement contre l'oreiller.
- Bon... Vraiment cinq minutes alors, céda-t-elle dans un souffle, les joues en feu.