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Akai ito
livre 1

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Chapitre 3

Megumi aurait voulu gigoter, crier, les supplier de la laisser partir mais elle se sentait si terrifiée et perdue qu'elle osait à peine respirer.

Ses poignets étaient solidement liés devant elle, et le plus massif des trois hommes, apparemment prénommé Daisuke, la tenait par le bras.

Il n'était pas violent, mais sa poigne était ferme et solide, comme pour la dissuader de tenter de s'enfuir.

« De toute façon... Comment le pourrais-je ? » se lamenta-t-elle intérieurement, en posant les yeux sur ses liens.

Qu'allaient-ils faire d'elle ?

Allaient-ils l'enfermer ? La torturer ? La tuer ?

Si elle avait bien compris, ces hommes allaient la ramener à leur chef : un certain Akihoshi.

Et lui seul allait décider de son sort...

« Bon sang, il faut absolument que je trouve un moyen de fuir avant ! »

Elle poussa un soupir et pria mentalement le ciel de lui venir en aide, mais elle n'eut guère le temps de terminer sa prière car son assaillant la sortait brusquement des bois, la ramenant au beau milieu des combats sanglants.

Elle roula des yeux paniqués lorsqu'il leur fraya un chemin parmi les combattants, comme si de rien n'était.

Les râles de douleur ainsi que le son atroce de la lame tranchant la chair lui donnaient des sueurs froides, et la jeune femme ne savait plus où regarder afin de ne plus avoir à subir la vue de cette bataille.

Elle baissa la tête dans une vaine tentative d'autoprotection et poussa soudain un hurlement de terreur en cessant net le pas, afin de ne pas écraser la tête tranchée qui roulait devant ses pieds.

- Oh mon Dieu !

- Avance ! Râla le plus jeune dans son dos, en la poussant.

La jeune femme fit un bond en avant, pour éviter la pauvre tête, d'un air complètement paniqué, avant de se figer de nouveau en criant comme si elle s'était retrouvée devant un précipice.

Un homme était étalé devant elle, le ventre ouvert, et gémissait de douleur, le corps secoué de violents spasmes.

« Bon sang, mais sortez-moi vite de ce cauchemar !! »

Son assaillant, Daisuke, posa alors sur elle un regard blasé.

Il poussa un soupir d'impatience et entoura sa taille de son bras musclé, si soudainement que Megumi eut un mouvement de rejet avant de lui flanquer un coup de coude dans le ventre.

Mais il ne broncha pas d'un pouce et la souleva sous son bras, comme un vulgaire ballon de rugby, sans cesser, ni ralentir sa marche.

- C'est quoi cette réaction ? T'as jamais vu de sang de ta vie ou quoi ? Marmonna le plus jeune avec dédain.

Megumi évita de croiser le regard supérieur de Kenji et ses yeux se posèrent sur le troisième de ses poursuivants. Il marchait à leur suite, tout en combattant leurs ennemis, un sourire cruel et amusé sur les lèvres.

La jeune femme eut un violent frisson lorsqu'il planta, en riant, son sabre dans la gorge de l'un de ses adversaires.

Elle baissa vivement la tête dans un ultime espoir d'échapper à la vision de ce gigantesque bain de sang, mais son regard croisa soudain celui d'un combattant à l'agonie, étalé sur le sol.

- Non mais je rêve... Gémit-elle d'une voix à peine audible.

Megumi venait d'atteindre sa limite.

Elle plaqua vivement ses mains contre ses yeux en grimaçant de douleur.

« Je rêve, je rêve... Dites-moi que je vais me réveiller ! »

Plus les secondes s'écoulaient, plus elle avait du mal à réaliser sa situation. Comment s'était-elle retrouvée ici ? Comment tout ceci pouvait être possible ? Absolument rien n'avait de sens.

Sa tête se mit soudain à tourner et des petits points noirs commencèrent à danser devant ses yeux.

Non, ce n'était pas le moment de s'évanouir.

La situation était, certes, aussi étrange que désespérée, mais elle devait rester forte et réfléchir à un moyen de s'en sortir.

Et surtout de quitter cet... endroit !

Le moment était très mal choisi pour perdre connaissance.

« Dieu sait ce qu'ils me feront... songea-t-elle avec un frisson de dégoût, si je leur laisse cette occasion ».

Une petite voix lui rappela que ces hommes n'avaient pas besoin d'attendre un quelconque malaise pour la violer, mais elle préféra l'ignorer.

Il était inutile de s'ajouter une pression supplémentaire, elle était déjà bien assez terrifiée...

- Qui est-ce ? Demanda soudain une voix sombre et calme.

Elle cligna des yeux pour se reprendre et leva un regard hagard vers l'inconnu, tandis que Daisuke la reposait enfin sur le sol.

La jeune femme faillit s'écrouler, alors Daisuke eut un mouvement vers elle, probablement par réflexe, mais elle se reprit juste à temps, les lèvres pincées.

Megumi se retrouva alors devant un homme grand et svelte, vêtu d'une tenue bleu nuit. Ses cheveux étaient longs, raides et aussi sombres que son regard.

Contrairement aux autres, son allure était distinguée et il dégageait une certaine grâce naturelle.

Sans parler de sa beauté froide qui avait dû briser bien des cœurs...

Si sa situation n'avait pas été si particulière, elle aurait rougi comme une tomate en le voyant la détailler de haut en bas, le visage inexpressif.

- Aucune idée, répondit enfin Daisuke avec un haussement d'épaule. Vu ses vêtements, elle n'a pas l'air de venir d'ici, mais elle parle notre langue...

- Je vous dis que c'est louche, marmonna Kenji en la fixant du coin de l'œil avec mépris, elle a été envoyée par les Aokitsu ! J'en mettrais ma main à couper !

Megumi baissa les yeux vers ses liens, attendant la suite sans même chercher à se défendre. Elle ignorait quoi dire ou faire.

Elle avait l'impression d'être tombée dans un drama fantastique... ou encore dans une émission de caméra cachée.

« Ou peut-être que je suis réellement en train de rêver... » s’obstina-t-elle

- Son nom ? demanda-t-il d'une voix froide.

- Megumi Minami, répondit Daisuke. Mais ce nom de famille m'est totalement étranger...

- Cela ne me dit rien non plus, répondit-il sans la lâcher de son regard glacial et déstabilisant. D'où venez-vous ?

Elle leva un regard affolé vers lui avant de bredouiller maladroitement qu'elle ne savait pas vraiment.

Il la considéra longuement, et Megumi sentit son ventre se serrer douloureusement.

- Vous ne savez pas ? Fit-il calmement, sans se défaire de son visage inexpressif.

- C'est ce qu'elle nous a aussi répondu lorsque nous l'avons attrapée, soupira Daisuke en se grattant la tête, je t'avoue que je ne sais pas vraiment quoi en penser...

Megumi retint son souffle tandis que le regard de cet homme froid continuait de fouiller son visage, comme dans l'attente d'un indice pouvant la trahir.

Mais il ne sembla rien trouver car il releva de nouveau les yeux vers Daisuke.

- Conduis-la auprès des autres prisonniers, le commandant Akihoshi décidera lui-même de son sort. Et rappelle Hayate, afin qu'il garde un œil sur eux. Il a l'air de trouver cette bataille... un peu trop divertissante à mon goût.

Megumi suivit des yeux son regard las et s'empressa de les détourner en réalisant que l'homme qui l'avait troublée dans la forêt, prenait effectivement énormément de plaisir à faire couler le sang du camp ennemi...

- Raah, je vais le chercher, soupira Kenji visiblement habitué au comportement barbare de son compagnon.

- Bien, fit Daisuke avant de la tirer dans la direction opposée des combats.

« Bon sang, mais... Je ne dois pas rester là ! Il faut que je parte d'ici ! » pensa-t-elle à toute allure.

Une dizaine d'hommes grièvement blessés, étaient assis sur le sol et ligotés, sous le regard attentif et méfiant de quelques soldats armés.

Une charrette était juste derrière eux, et Megumi crut halluciner en voyant d’étranges montures près des soldats.

« Ce… Qu’est-ce que c’est que ça ? » S’affola-t-elle.

Ces créatures étaient semblables à des chevaux en termes de forme et de corpulence, mais c’était la seule chose qu’ils avaient en commun. Ils avaient une peau de lézard, et d’étranges cornes de cerf sortaient de leurs têtes de dinosaure. Leurs regards jaunes fixaient le vide et lui donnaient la chair de poule.

« Bon sang, mais…où suis-je tombée à la fin ?! »

- Assieds-toi là, fit Daisuke en la plaçant légèrement à l'écart des prisonniers.

Elle s'exécuta en silence, tout en regardant autour d'elle, le cœur angoissé.

- Et je te conseille de ne pas tenter de t'enfuir, ajouta-t-il fermement, et menaçant, avant de repartir en direction du champ de bataille.

Megumi le regarda s'éloigner en tremblant comme une feuille avant de se tourner vers les autres prisonniers.

Aucun ne semblait avoir remarqué sa présence tant ils étaient abattus.

Particulièrement un jeune homme qui pleurait de rage, la tête baissée.

- Calme-toi fiston... Lui chuchota son voisin.

- Que je me calme ? Pesta-t-il. Alors que vous m'avez forcé à me rendre, mon oncle ?!

- Chut, pas si fort ! Nous n'avions pas le choix...

- Bien sûr que nous avions le choix ! Nous avons toujours le choix ! Comment pouvons-nous nous battre pour une cause et accepter de nous rendre si facilement ?!

- Nao, pour l'amour du ciel, pense à ta mère... S'étouffa son oncle, paniqué.

- Toi, gamin ! Retentit soudain la voix de l'un des soldats. Lève la tête !

L'oncle blêmit et son visage se tordit de douleur en voyant son neveu affronter le soldat du regard.

- As-tu quelque chose à dire ? S'enquit le soldat.

- Seulement une, répondit-il courageusement, le menton levé.

Il prit son souffle et s'écria d'une voix si puissante qu'il en fit trembler la poitrine de Megumi :

- QUE L'UNIQUE BÉNISSE LE PRINCE HÉRITIER ! MAUDIT SOIT LE ROI SANDO !

- Nao !! Paniqua son oncle.

Les autres prisonniers fermèrent brièvement les yeux de honte, envieux, rêvant visiblement tous d'avoir au moins autant de courage que ce jeune garçon.

- Ça fait deux, ricana le garde avant de planter soudain la pointe de sa lame dans la bouche de l'adolescent.

Megumi écarquilla les yeux d'horreur et faillit vomir sur place en voyant le sang jaillir instantanément hors de la bouche du pauvre jeune homme.

L'oncle poussa un couinement de douleur et s'empressa de se placer correctement, complètement tétanisé, en tentant tant bien que mal de pleurer en silence, de peur de se faire lui aussi exécuter.

L'adolescent tomba lourdement en arrière, sous les éclats de rire des certains soldats.

- Personne d'autre ? Ricana-t-il en toisant les autres prisonniers avec dédain.

Mais ils fixaient tous le sol en tremblant. Certains serraient les poings de rage, tandis que d'autres semblaient totalement figés par la peur.

Megumi était probablement partagée entre ces deux sentiments, mais tout ceci lui paraissait toujours si irréel qu'elle peinait à sortir de sa torpeur.

- Ha ha, je m'en doutais, s'amusa-t-il en rangeant son arme dans son étui. La bravoure n'est visiblement pas donnée à tout le m...

Il s'interrompit soudain dans un couinement, alors Megumi releva vivement la tête.

Cet homme, qui l'avait troublée dans les bois, répondant apparemment au nom de Hayate, était juste derrière lui et plantait son sabre dans sa poitrine, un sourire démoniaque sur les lèvres.

Megumi écarquilla les yeux.

Ces hommes... Ne faisaient-ils pas partie du même camp ?

- Qui t'a autorisé à t'amuser à torturer les prisonniers ? Siffla-t-il près de son oreille, un rictus mauvais sur les lèvres.

- Ca... Capitaine, s'étouffa le soldat avant de s'effondrer sur le sol dans un couinement de douleur.

Megumi tressaillit et releva les yeux vers Hayate qui le toisait de sa hauteur.

- C'est un plaisir qui m'est exclusivement réservé... Ajouta-t-il en posant sa lame contre son épaule avec nonchalance, le regard diabolique.

Les autres soldats sursautèrent et se mirent en position. Le dos bien droit, les bras le long du corps, et tentaient tant bien que mal de ne pas paraître choqués à la vue de leur camarade agonisant.

Megumi rentra instinctivement sa tête entre ses épaules en baissant les yeux, le cœur affolé.

Elle était choquée par le geste qu'il avait eu envers son compagnon, mais une part d'elle était soulagée de voir cet odieux personnage hors d'état de nuire.

« Bon sang, mais... À quoi suis-je en train de penser ? »

Elle soupira de dépit, avant de lever de nouveau les yeux vers Hayate.

Celui-ci était posté près des prisonniers, toujours la lame ensanglantée sur son épaule, et la toisait du coin de l'œil, en souriant d'une manière effrayante.

Elle détourna vivement les yeux en retenant son souffle, le cœur soudain affolé comme si elle avait aperçu le maître des Enfers en personne…

 

 

* * *

 

 

- Bon, c'est terminé, soupira Daisuke en s'appuyant contre sa lance, visiblement épuisé et abattu, les derniers survivants se sont rendus, à l'instant...

C'était une victoire écrasante, pourtant, il ne semblait ni soulagé, ni ravi.

C'était même plutôt l'inverse, contrairement à leurs hommes qui laissaient volontiers éclater leur joie.

« Peu importe, je m’en fiche, tant que je ne reste pas plus longtemps dans cet endroit... » pria la jeune captive qui luttait contre une insupportable nausée due à cette forte odeur de sang.

Megumi était debout, placée en bout de file, attachée aux autres prisonniers.

La jeune femme était complètement ébranlée et harassée. Elle avait l'impression d'avoir passé des heures et des heures à attendre.

- Bien, fit l’homme à la beauté froide. Demande aux hommes de récupérer les corps de nos combattants...

Daisuke tourna les yeux vers le champ de bataille, puis après une hésitation, regarda de nouveau son camarade, la mine sinistre :

- Et... que faisons-nous des corps des rebelles ? Allons-nous les laisser comme ça, ou... ?

Ils s'échangèrent un regard et l'homme aux longs cheveux noirs croisa les bras pendant un instant, une expression pensive sur le visage :

- Non... J'en prendrai la responsabilité, mais nous devons les enterrer.

Daisuke hocha la tête, visiblement d’accord.

Megumi comprit aussitôt en les dévisageant qu'ils n'étaient pas censés s'occuper des corps de leurs ennemis.

- Je serai également là, reprit Daisuke, si jamais Akiyama finit par l'apprendre...

Il lui répondit par un hochement de tête, le regard dans le sien, comme pour lui exprimer sa reconnaissance.

- Bien, ne perdons pas de temps. Mettons-nous au travail.

- Non Eisuke, l'arrêta Daisuke, toi, tu dois rentrer et faire ton rapport à Akihoshi. N'oublie pas que tu es le vice-commandant...

Il eut l'air embarrassé, et croisa de nouveau les bras, visiblement partagé.

- Certes, mais je ne peux imposer cette tâche à nos hommes sans apporter mon aide.

- Kenji et moi allons rester, ne t'inquiète pas...

Le vice commandant, Eisuke, hocha finalement la tête avant de décroiser les bras.

- Très bien, je compte sur toi. Je m'occupe des prisonniers ainsi que des blessés.

- Parfait, à plus tard, le salua Daisuke avant de commencer à s'éloigner. Soyez prudents !

Megumi se mordilla la lèvre, anxieuse, sans quitter Eisuke des yeux, tandis qu'il s'avançait dans leur direction.

- Êtes-vous prêt ? S'enquit-il.

- Oui, vice-commandant, répondit l'un des soldats en s’inclinant, tous les prisonniers sont ligotés, et les blessés ont été installés dans les charrettes, nous sommes prêts à partir !

Eisuke marqua un temps d'arrêt en découvrant le corps inerte du soldat tué par Hayate, non loin du cadavre du courageux adolescent.

Celui-ci avait poussé son dernier souffle depuis quelques heures déjà, mais son regard avait gardé la même flamme qu'avant sa mort.

- Que s'est-il passé ? Demanda-t-il.

Le soldat eut soudain l'air très gêné.

- Oh... Euh... bredouilla-t-il en roulant des yeux paniqués. C'est... Hum, euh... Enfin...

Eisuke eut soudain l'air très ennuyé et agacé. Les bras toujours croisés sous sa cape, il se tourna et chercha quelqu'un du coin de l'œil.

- Où est passé le capitaine Hayate ? Faites-le venir !

- Euh...

Megumi comprit à son expression et à la « résolution express » de son enquête, que le fameux Hayate n'en était pas à son premier coup d'essai.

- Tu me cherches, Eisuke-kun ? Susurra soudain une voix dans son dos.

Megumi sursauta et vit Hayate passer près des prisonniers, d'un pas nonchalant, un sourire railleur sur les lèvres.

Eisuke se tourna vers lui et le considéra avec une sévérité glaciale.

Ils semblaient avoir le même âge, Hayate avait pourtant l'air d'un adolescent en pleine crise de rébellion, face à son père intransigeant.

Il l'affrontait du regard, le sourire de plus en plus insolent, comme s'il le défiait de le réprimander.

- Tu as exécuté l'un des nôtres, dit calmement Eisuke, malgré la froideur de son regard.

- C'est vrai, s'amusa-t-il en se postant devant lui avec une indolence désespérément agaçante. Et alors ?

Les yeux d'Eisuke rétrécirent sombrement, Megumi retint son souffle en sentant la tension monter entre eux, mais le vice-commandant resta pourtant très calme lorsqu'il déclara :

- Tu seras sanctionné. Akihoshi décidera lui-même de ta punition.

- « Vice-commandant », quelle cruauté ! S'amusa-t-il avec dérision. Par pitié, dis-lui de ne pas me donner encore des lignes à copier…

Eisuke tiqua et se détourna de lui, le regard sombre.

- Je ne m'abaisserai pas à entrer dans ton jeu devant nos hommes, nous verrons cela plus tard, conclut-il. Rassemble quelques-uns des soldats que tu n'as pas encore tués, et rentrons.

Hayate le suivit de ses yeux moqueurs pendant un instant, et Megumi sentit son cœur se figer sur place lorsqu'elle croisa soudain son regard.

Elle cessa de respirer et détourna vivement les yeux, les mains moites.

Le rictus mauvais de cet homme s'accentua et Megumi put enfin reprendre le contrôle de ses émotions lorsqu'il tourna les talons, d'un pas léger...

- Hayate, je pense que tu devrais au moins t'occuper du corps de ce malheureux. Pour le salut de ton âme et le pardon de l'Unique, ajouta Eisuke en saisissant les rênes de sa monture.

Mais le jeune homme lui répondit par un pouffement de rire, sans même lui adresser un regard. Il ne comptait visiblement pas lui obéir.

Hayate ne prenait décidément pas du tout Eisuke au sérieux. Celui-ci avait pourtant tout d'un chef.

Tous semblaient sensibles à cette aura de leader qui émanait de lui, et Megumi se sentait impressionnée par sa prestance.

Il lui rappelait ces aristocrates, dans les romans anglais qu'elle adorait lire.

« Mais en bien plus effrayant tout de même, songea-t-elle, je ne pense pas que je m'amuserais à essayer de le contrarier... »

« Pas comme lui en tout cas... » Se dit-elle en cherchant Hayate du coin des yeux.

Aussitôt, en voyant sa démarche nonchalante, ses cheveux légèrement défaits, et son regard amusé mais froid, Megumi sentit le feu lui monter de nouveau aux joues.

Elle ferma les yeux et se maudit pour cette inexplicable réaction.

« Je dois être fatiguée... Oui, c'est cela. Fatiguée et effrayée... »

Elle ne s'expliquait toujours pas la raison de l'étrange réaction de son cœur, lors de leur rencontre dans les bois, mais après tant d'émotions et de chamboulements, était-ce réellement surprenant ?

Il était évident que n'importe qui aurait été bouleversé. Elle avait simplement besoin de repos.

La jeune femme s'était après tout... Complètement égarée, si toutefois ceci était bien réel.

Mais tout allait s'arranger.

Il existait forcément une explication logique à cet étrange phénomène...

Mais plus elle repensait à cette bille flottante et aveuglante au milieu de sa chambre, plus elle en doutait.

Que diable lui était-il donc réellement arrivé ?

- Nous partons, dit soudain Eisuke en montant sur sa monture avec une surprenante aisance. En route !

- Oui, vice-commandant !

Les hommes s'empressèrent de finir de tout préparer, et Megumi tressaillit en croisant le regard impassible et dur d'Eisuke.

Elle retint son souffle et s'efforça de ne pas baisser les yeux, même si la tentation était grande face à un tel personnage.

Il la considéra pendant un instant, sans changer d'expression, puis, il saisit plus fermement les rênes de sa monture et leva la tête avant d'ouvrir la marche.

Megumi soupira de soulagement et reporta son regard sur le prisonnier placé devant elle, en se préparant mentalement, car, bientôt, elle allait être tirée vers l'avant, comme un animal...

Et effectivement, lorsqu'ils prirent enfin la route en direction de la forêt, Megumi eut la désagréable impression d'être traitée comme du bétail.

Être tirée ainsi, telle une vache menée à l'abattoir était particulièrement insultant pour une jeune femme moderne de dix-sept ans.

- Tu sembles remontée, susurra une voix détachée, mais glaciale dans son dos.

Megumi sursauta et se tourna vers Hayate qui fermait la marche, confortablement installé sur son « cheval à la peau de lézard ».

Elle sentit son cœur bondir hors de sa poitrine et ses joues devenir tout à coup brûlantes.

Une réaction qui l'agaça au plus haut point. Elle fut tentée pendant un instant de se donner une bonne gifle, histoire de se remettre les idées en place.

Fort heureusement pour elle, il ne la regardait pas directement.

- C'est à moi que vous parlez ? S'enquit-elle d'une voix étonnement calme malgré l'intensité de son trouble.

Il baissa vers elle un regard amusé teinté de malveillance. Un regard qu'elle ne parvint pas à affronter plus d'une seconde.

Étrange, elle s'était faite violence pour ne pas baisser les yeux devant le charisme impressionnant du vice-commandant, mais il lui était impossible de réaliser le même exploit face à cet homme...

- Non, je parlais au gros lard, devant toi, railla-t-il en posant un regard ironique sur le prisonnier qui traînait des pieds devant elle.

Celui-ci rentra sa tête entre ses épaules rondes et tremblantes, les oreilles rouges de gêne.

Il était effectivement si rond qu'il peinait à garder son pantalon.

Un silence s'installa.

Megumi savait que ce n'était guère le moment de se soucier des sentiments des autres, mais elle ne pouvait s'empêcher d'avoir un pincement au cœur, pour ce pauvre prisonnier humilié.

- Comme c'est délicat, marmonna-t-elle finalement en détournant les yeux.

Le cavalier pouffa de rire. Un rire amusé, mais sans la moindre once de joie.

Curieux personnage...

Pourquoi riait-il sans arrêt, sans pourtant paraître heureux ?

- Alors ? continua-t-il, sans se défaire de son sourire mauvais. Tu m'as l'air bien contrariée. Est-ce l'échec de ta tentative d'espionnage qui te met autant en rogne ?

Megumi leva un regard noir vers lui. Celui-ci la toisait du coin de l'œil, en souriant avec insolence.

- Ou peut-être que tu nous as bien bernés et que tout ceci n'était qu'une petite comédie pour t'infiltrer ? Ajouta-t-il en inclinant la tête sur le côté, les yeux plissés diaboliquement. Si c'est le cas, je te félicite, tu ferais une grande actrice...

« Ce... Ce type... »

Megumi détourna les yeux pour ne plus avoir à se perdre dans les siens. Ils étaient si froids qu'elle avait l'impression de s'y noyer, elle en tremblait presque de froid.

- Alors ? Ai-je vu juste ?

La jeune femme hésita pendant un instant. Devait-elle se défendre ? Raconter la vérité ? Inventer une histoire ? Ou simplement garder le silence et attendre de se retrouver face à ce fameux Akihoshi?

Elle dut réfléchir un peu trop longtemps car son interlocuteur s'impatienta.

Megumi sursauta et son cœur bondit de plus belle lorsqu'elle l'entendit descendre soudainement de sa monture.

La jeune femme retint son souffle et fixa ses pieds en faisant mine d'avoir oublié la présence de cet homme, mais des doigts longs et fermes glissèrent soudain sous son menton.

« Oh mon Dieu... »

Megumi ne sut comment elle parvint à rester impassible lorsqu'il la força à le regarder dans les yeux, tant elle était partagée entre les surprenantes réactions de son cœur et sa propre peur de mourir.

Son regard était aussi vide que lorsqu'il avait tué son camarade de sang-froid, elle en avait des sueurs froides.

Il ricana doucement.

- Allons, ne sois pas si affolée, je ne dirais rien aux autres, dit-il à voix basse. Qui que tu sois, je plaiderais en ta faveur...

Megumi fronça les sourcils sans comprendre et ses membres se mirent à trembler lorsque son regard dédaigneux s'aventura sur ses jambes nues avant de remonter vers son visage.

- J'avais justement besoin d'une nouvelle esclave personnelle... Ajouta-t-il, avec un sourire si vicieux que son sang se glaça instantanément dans ses veines.

Elle s'efforça néanmoins de ne pas lui montrer sa peur et détourna vivement le visage afin de le forcer à la relâcher.

Hayate laissa sa main en suspens pendant un instant avant de pouffer de rire.

- Ha ha, allons, rassure-toi, je n'ai jamais violé personne... S'amusa-t-il avant d'ajouter mystérieusement : Enfin...Je n'en ai jamais eu besoin.

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