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Akai ito
livre 1

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Chapitre 18

Son premier réflexe fut de rincer le suçon, comme si l'eau froide allait le faire disparaître.

Mais lorsqu'elle comprit qu'elle faisait fausse route, la jeune femme pesta avec impatience en se penchant par-dessus la commode pour mieux voir la marque.

Il y avait toujours des traces de dents, il n'y était pas allé de main morte.

- Ce sale pervers... grinça-t-elle entre ses dents.

Megumi tourna en rond dans sa chambre, en quête d'une solution, mais elle n'avait pas de châle pour cacher la marque, pas de maquillage, et encore moins de col roulé...

Finalement, elle essaya de cacher la marque en nouant ses cheveux.

Elle n'était pas une grande fan de la queue de cheval sur le côté, mais elle n'avait plus le choix.

- Bon, marmonna-t-elle en observant son reflet, ça m'a l'air bien...

Si Megumi évitait de faire des mouvements brusques, et qu'elle regardait toujours devant elle, elle devrait parvenir à le cacher aux autres.

Mais pour combien de temps ?

Megumi aurait bien voulu lancer une recherche internet afin de savoir combien de temps un suçon restait sur la peau.

- Mon portable me manque... soupira-t-elle.

« Peut-être que demain, je n'aurais déjà plus rien... » espéra-t-elle.

Elle l'observa pendant un instant, à l'aide de son miroir, et le toucha du bout des doigts. Elle avait l'impression de sentir encore ses dents sur sa peau, elle réprima un frisson avant de le cacher de nouveau derrière sa chevelure.

Quel abruti !

Quel avait été son but en la marquant ainsi ? La mettre dans l'embarras ?

Tuer son ennui en la tourmentant ?

Elle pesta de rage en essuyant sa bouche, comme pour supprimer le souvenir de son baiser.

Elle avait l'impression que son odeur s'était accrochée à sa peau, comme si elle était devenue sienne, et cette sensation l'insupportait.

Elle revivait intérieurement cette euphorie et cette excitation qu'il était parvenu à éveiller en elle, avec un simple baiser...

Ce pouvoir qu'il exerçait sur elle l'effrayait.

Lui faisait horreur même !

Elle devait à tout prix instaurer une distance entre eux et ne plus le laisser la toucher, ou même lui parler.

Lorsqu'elle était avec lui, elle avait l'impression de devenir quelqu'un d'autre, et cette idée la révoltait.

Elle n'était pas comme lui. Elle n'était pas du genre à provoquer, pas même pour se défendre.

Elle était une jeune lycéenne plutôt timide et fleur bleue, sérieuse, travailleuse, et surtout gentille et polie.

Elle ne ressemblait en rien à cet homme qu'elle détestait !

Soudain, des cris se firent entendre à l'extérieur. Megumi sursauta et se rappela brutalement la raison pour laquelle Hayate avait quitté sa chambre...

La cloche avait sonné !

« Les hommes d'Akiyama ?! » paniqua-t-elle en s'empressant de sortir de la chambre au pas de course.

Et lorsqu'elle se retrouva devant la porte d'entrée, elle découvrit un homme gigantesque aux cheveux courts et cuivrés.

Une dizaine d’hommes étaient déjà à terre, tandis qu'Aku se faisait martyriser par cet homme.

Le jeune soldat s'écroula soudain au sol, le souffle coupé après un violent coup dans l’estomac.

« Oh mon Dieu ! Mais que se passe-t-il ici ?! »

« D’où il sort ce gorille ?! »

Horrifiée, Megumi attrapa précipitamment un balai, à défaut de trouver une arme et se précipita vers le gigantesque intrus avant de le frapper sur la tête avec la partie brosse.

- AÏE !! S'écria-t-il en se tournant vers elle, étonné.

La jeune fille paniqua et le mitrailla de coups tandis qu'il reculait en se protégeant de ses bras.

- EH !! MAIS AÏE !!! ARRÊTE ! AÏEUUUH !! S'écria-t-il.

- Va-t'en, Akiyama !! Tu n'as rien à faire ici, dégage ! Cria-t-elle en le frappant de toutes ses forces, le cœur battant à mille à l'heure.

Surpris, il la regarda sans comprendre, et Megumi cessa net son assaut, lorsqu'elle entendit soudain Aku et les autres soldats éclater de rire.

« ... »

- Euh...Hein ? Bredouilla-t-elle en les regardant d'un air surpris.

Ils se roulaient tous par terre en riant comme des fous.

Elle fronça des sourcils, sans comprendre, et leva les yeux vers la maison.

Hayate était assis sur les marches extérieures, aux côtés de Kenji, et les deux capitaines étaient littéralement en train de pleurer de rire.

- Q...Quoi ? Mais... Qu'est-ce qui vous fait rire ? S'énerva-t-elle.

Elle se tourna vers l'intrus et le regarda d'un air perdu. Celui-ci se débarrassait de la poussière sur son visage, causée par son attaque au balai, d'un air écœuré.

Il était expressif et son regard était aussi innocent que celui d’un enfant, malgré sa carrure imposante.

- Pour ton information, je ne suis pas Akiyama... marmonna-t-il, la mine vexée.

- Hein ? Mais alors, qui es-tu ?

- Ça serait plutôt à moi de poser cette question ! D'où tu sors toi ? S'étonna-t-il soudain, comme s'il venait brusquement de prendre conscience de sa présence en ces lieux.

- Oh, euh... je...

Elle s'apprêtait à lui répondre, lorsqu'elle vit soudain son regard s'éclairer et regarder derrière elle.

Daisuke était sorti de la maison, et le regardait au loin, avec un mélange de surprise et d'émotion.

Elle regarda de nouveau l'inconnu et remarqua qu'il dévisageait Daisuke avec la même chaleur.

« Hein ? »

Megumi ne comprenait plus rien.

« Il était bien en train d'attaquer tout le monde ? Non ? »

Daisuke bondit soudain par-dessus les marches et se rua vers lui, visiblement transporté de bonheur.

L'inconnu passa devant elle, aussi rapide que l'éclair, et se précipita dans sa direction, en lui ouvrant les bras.

Interloquée, elle baissa les yeux vers Aku qui commençait tout juste à se remettre de son fou rire.

- Ah, c'est son frère, répondit-il à sa question muette, Kyosuke.

Elle cligna bêtement des yeux, choquée.

- Hein ? Quoi ? C'est le frère de Daisuke ?! S'exclama-t-elle en les cherchant de nouveau des yeux.

Daisuke était effectivement fou de joie, elle ne l'avait jamais vu ainsi. Il courait vers son frère, en riant comme un enfant, littéralement transporté par le bonheur de leurs retrouvailles.

Megumi soupira, à la fois soulagée et honteuse de s'être ainsi fourvoyée.

« J'ignorais que Daisuke avait un frère... »

« Ils ne se sont visiblement pas vus depuis un bon moment... »

Un sourire ému étirait les lèvres de la jeune fille, lorsque soudain, au moment où ils se retrouvèrent proches l'un de l'autre, Daisuke flanqua un violent coup de poing sur le visage de son frère, qui encaissa avant de contre-attaquer avec un coup de genoux sous le menton de Daisuke.

La mâchoire de Megumi se décrocha instantanément.

Elle cligna des yeux, se demandant pendant un instant si elle n'était pas en train d'halluciner.

« H... Hein ?! Ils se battent ?! »

« Mais... »

« Mais, ils sont clairement en train de se battre, là ! »

Elle jeta un regard paniqué vers Hayate et Kenji, qui se contentaient de les regarder, amusés, puis vers Aku qui ouvrait déjà les paris avec ses camarades.

- Mais euh... Ils n'étaient pas juste censés se faire un câlin viril et fraternel ?! Bégaya-t-elle sans comprendre.

- Ah ! C'est leur façon de se retrouver, rit Aku en secouant la main, ne t'inquiète pas !

- Hein ?

Elle reporta son regard sur eux et tressaillit lorsque Daisuke suffoqua après un violent coup dans l'estomac.

- Euh, tu en es sûr ? Hésita-t-elle avec de grands yeux choqués.

Kyosuke se prit un coup foudroyant au visage et un filet de sang s'échappa de ses lèvres tandis qu'il frappait la hanche de son frère de plein fouet.

C'était si violent que Megumi peinait à regarder.

- Mais ils sont pas bien ! S'exclama-t-elle. Ils vont finir par se faire vraiment mal !

Eisuke sortit de la maison, suivit d'Akihoshi qui regardait les deux hommes combattre d'un air attendri.

Même Eisuke semblait sincèrement heureux en les regardant.

« C'est bien beau tout ça, mais... POURQUOI PERSONNE NE LES ARRÊTE ?! »

« Ils sont tous malades ou quoi ?! »

Enfin, Daisuke se prit un coup fracassant dans l'abdomen, qui le propulsa en arrière, et il se retrouva brutalement au sol, allongé sur le dos.

Kyosuke essuya le filet de sang qui coulait de sa bouche, un grand sourire aux lèvres.

- Tu as fait beaucoup de progrès, frangin, le félicita-t-il.

Un sourire étira le visage de Daisuke, il se redressa et après un long regard échangé avec son frère, Kyosuke baissa la main vers lui, et Daisuke l'attrapa fermement avant de se retrouver de nouveau sur ses pieds.

« Et donc... ce qui vient de se passer est tout à fait normal, c'est ça ? »

- Je suis très heureux de te revoir, Kyosuke, l'accueillit Akihoshi en descendant les marches. Nous ne t'attendions pas avant la tombée des neiges. Quelle joie !

Son regard brillait. Il était sincèrement ému de le revoir...

Ce qui n'avait pas l'air d'être le cas de Kyosuke.

Il inclina poliment la tête, le regard fuyant.

- Vous avez pris un coup de vieux, non ? Marmonna-t-il néanmoins.

- Espèce d'insolent ! S'exclama-t-il d'un air faussement fâché en faisant mine de l'assommer avec son poing.

Kyosuke eut un petit sourire, et l'ambiance eut l'air de s'adoucir.

« J'ai dû rêver... se dit-elle en se grattant la tête »

« En même temps, ils sont tous tellement bizarres que je n'arrive même plus à lire les ambiances... »

Le regard de Kyosuke s'abaissa ensuite sur Kenji qui tressaillit aussitôt avec méfiance.

Megumi se demanda pourquoi le jeune garçon lui adressait un tel regard, lorsque Kyosuke lui planta spontanément son poing en plein visage.

Elle sursauta, complètement choquée en voyant Kenji s'écrouler sur le sol, un peu plus loin.

« Mais... ce type est complètement fou ! »

- Enfoiré ! S'écria-t-il en se redressant, la main sur sa mâchoire endolorie.

- Ça faisait longtemps, gamin ! S'amusa-t-il en bondissant sur lui pour le décoiffer sans ménagement.

- Aaah ! Casse-toi ! Je ne suis plus un gamin ! S'énerva-t-il en le repoussant.

Megumi tressaillit lorsque le regard de Kyosuke rencontra soudain le sien, et elle serra instinctivement le manche à balai un peu plus fort dans ses mains.

- Kyo, je te présente Megumi Minami, dit Daisuke, elle vit avec nous depuis quelques jours !

Kyosuke relâcha la chevelure en bataille de Kenji et s'approcha d'elle, en souriant.

Megumi recula, complètement terrifiée.

« Il va me frapper ! »

« Mon Dieu, mais il va me tuer dès le premier coup de poing ! »

À chacun de ses pas, Megumi eut l'impression de voir sa mort approcher, alors, lorsqu'il arriva enfin face à elle, la jeune femme paniqua et lui assena un nouveau coup de balai en plein visage. Si fort que la brosse se brisa, avant de s'envoler dans les airs.

Un soldat se glissa sur le côté en poussant un cri aigu, évitant de la recevoir en pleine tête, de justesse.

Kyosuke s'était figé, le manche du balai toujours contre son visage, tandis que tout le monde autour d'eux, explosait joyeusement de rire.

- Mais bordel, tu es complètement hystérique ! Tu ne peux pas saluer les gens sans les cogner ? S'énerva-t-il en se massant la joue.

- Comment ?! Non, mais c'est l'hôpital qui se fout de la charité, là ! S'indigna-t-elle.

- Hein ? L'hotal qui fout la chari quoi ? Grimaça-t-il, interrogateur.

Elle marqua un temps d'arrêt.

- Enfin bref, ce que je veux dire, c'est que tu as frappé quasiment tout le monde ici ! Alors, forcément que, je...

- Aah, comprit-il avant de s'indigner. Mais ! Je n'aurais jamais frappé une fille !

Megumi grimaça en cachant aussitôt le balai derrière son dos.

- Ah, désolée... rit-elle, gênée. Bon, eh bien... Euh, enchantée, du coup.

- Mmh, marmonna-t-il en continuant de se masser la joue.

- Je suis désolée... répéta-t-elle, j'espère ne pas t'avoir fait trop mal...

- Non, il m'en faut plus que ça, s'amusa-t-il fièrement. Enfin bref, oublions. Megumi, c’est ça ? Enchanté, moi c'est Kyosuke !

Son sourire était frais, doux et communicatif. Il n’était visiblement pas du genre rancunier. Elle répondit à son sourire en inclinant la tête.

- Enchantée, Kyosuke.

 

 

* * *

 

- Aaah, ça fait du bien de boire du Kuse chaud ! Ça faisait longtemps ! Soupira énergiquement Kyosuke après avoir vidé son verre, cul sec.

- Ha ha, tu m'étonnes ! S'amusa Daisuke en lui tapant dans le dos, tu n'as pas dû boire énormément d'alcool de cette qualité-là durant ton voyage !

- Raconte-nous. Où es-tu allé ? S'enquit Kenji.

Megumi était assise à leur table, un peu mal à l'aise tandis qu'elle assistait à leurs retrouvailles.

Elle avait proposé de les laisser un peu entre eux, mais Akihoshi et Daisuke avaient insisté pour qu'elle reste déjeuner avec tout le monde.

 

 

Elle se retrouva donc, au milieu de toute cette euphorie, le nez dans son assiette, placée entre Kenji et Daisuke.

Ils ne faisaient rien pour la mettre mal à l'aise, mais elle ne pouvait s'empêcher de se sentir de trop, même si l'ambiance était très bonne.

Akihoshi riait de bon cœur, Daisuke rayonnait...

Jamais cette pièce ne lui avait paru aussi vivante.

Seuls Eisuke et Hayate restaient silencieux, se contentant de suivre la conversation d'une oreille distraite.

Elle croisa plusieurs fois le regard du vice-commandant, assis devant elle, qui lui faisait signe de manger davantage.

Elle souriait en s'assurant de temps en temps que ses cheveux cachaient toujours le suçon.

Fort heureusement pour elle, Hayate était placé de son côté de la table, et Kenji était assis entre eux.

S'il s'était installé devant elle, la jeune fille aurait été si embarrassée qu'elle aurait rougi durant tout le repas.

- C'est vrai que tu te l'es toujours joué adulte, même étant gamin, s'amusa Kyosuke.

- Mmh, mais tu oublies un détail. J'ai toujours été plus mature que la moyenne, fit mine de réfléchir Daisuke, l'air faussement humble. Tout le contraire de toi, qui provoquait toujours des catastrophes...

- Écrase ! Moi au moins, je savais m'amuser !

- Pourquoi vous parlez au passé ? Lança Kenji.

- Ne me cherche pas, le nabot ! menaça-t-il en brandissant ses baguettes dans sa direction.

Megumi suivit leur échange et ravala un sourire en baissant les yeux vers son plat.

Il était marrant, tout compte fait...

- Pourquoi tu te marres ? Marmonna Kenji.

- Hein ? Oh heu, pour rien... J'essayais juste d'imaginer un petit Daisuke, tout sage et réfléchi...

- Tu es assez loin de la vérité, en fait, c'était plutôt un genre qu'il se donnait, ricana Kyosuke. D'ailleurs, quand nous étions tout petits, il imitait toujours notre père, et lorsqu'il répétait ses gros mots, il avait toujours droit à une grosse raclée, mais ça ne suffisait jamais à l'arrêter ! Il a eu du mal à comprendre !

Megumi pouffa de rire en jetant un regard amusé vers le principal concerné.

- Aah la belle époque, soupira-t-il, l'air lointain.

- Je me souviens aussi, continua Kyosuke en riant, il a voulu fumer la pipe de notre père, une fois, et il a passé la journée à vomir ! Il était si vert qu'il ne ressemblait à rien !

La jeune fille explosa de rire, en imaginant la scène, et se fut contagieux car ils se mirent quasiment tous à rire avec elle.

- Et toi ? Au lieu de te moquer ? Lui demanda-t-elle en riant, quel genre de gamin étais-tu ?

- Moi j'étais brave et obéissant ! Lui assura Kyosuke en bombant le torse.

- C'est ça ouais, ricana son frère, c'était une vraie mauviette oui ! Il avait peur de tout ! S'il avait le malheur de voir un insecte dans son futon, il courait pleurer chez sa maman !

- Espèce de traître ! J'étais simplement un enfant extrêmement sensible ! Se défendit-il.

- Extrêmement trouillard surtout !

- Ferme-la ! Tu n'as aucune sensibilité ! S'énerva-t-il en se levant brusquement.

Megumi était si surprise par ce changement brutal d'ambiance, qu'elle sursauta en le regardant avec de grands yeux.

- Et toi, tu es malhonnête ! Il faut savoir assumer dans la vie ! Explosa à son tour Daisuke en se levant d'un bond. C'est toujours pareil avec toi !

- Connard ! Tu veux te battre ?!

- Si vous voulez vous bagarrer, allez dehors, dit Akihoshi d'une voix tranquille en sirotant son verre.

Ils s'échangèrent un long regard colérique, puis ils soupirèrent et se laissèrent retomber sur leur siège.

Megumi était surprise, Daisuke, qui lui avait toujours paru si adulte et mature, se comportait comme un adolescent lorsqu'il se trouvait à proximité de son frère.

Et c'était une facette de lui qui ne lui déplaisait pas. Au contraire, elle aimait le voir se lâcher ainsi.

Megumi ravala un pouffement de rire et réalisa brusquement qu'un silence s'était installé sur le groupe.

Plus personne ne parlait, Kyosuke mangeait d'un air boudeur tandis que Daisuke en faisait de même...

« Mon Dieu, je déteste les blancs... »

« Vite, un sujet de conversation ! »

- Euh... et Kenji ? Quel genre d'enfant était-il ? S'enquit-elle en buvant une gorgée de son verre d'eau.

« À part Eisuke, je sais qu'ils se sont tous connus très jeunes, alors... »

Ils levèrent tous le nez de leur assiette, et un nouveau silence s'écoula, tandis qu'ils s'échangeaient tous des regards intrigués.

- Euh... J'ai beau réfléchir, murmura Akihoshi, l'air pensif.

- Pareil, marmonna Kyosuke.

- Il est comme maintenant, en fait, conclut Daisuke.

- Ouais, il n'a pas évolué, conclut Kyosuke en secouant la tête, l'air affligé.

- Je vais vous buter ! Bande d'enfoirés ! Explosa-t-il en se levant d'un bond.

- Ah ouais ?! Le nargua Kyosuke en retroussant sa manche. Eh bien, allons-y ! Réglons ça maintenant !

- Pas à l'intérieur ! Râla Akihoshi. Essayez donc un peu de vous tenir ! Nous avons une dame avec nous, aujourd'hui.

« Une dame ? » rougit-elle.

Kenji éclata soudain de rire.

Megumi prit un air blasé. Elle le connaissait assez pour deviner la raison de son hilarité.

- Sale nabot, marmonna-t-elle entre ses dents tandis qu'il s'asseyait de nouveau.

- Hein ?! Tu as dit quoi ? Aboya-t-il soudain.

- Hum, bon euh, et sinon, euh... bredouilla Akihoshi en se tournant vers elle. Ma petite Megumi, quel genre d'enfant étais-tu ?

« Ah, parfait, on enchaîne ! La bonne ambiance doit vite revenir ! »

- Moi ? J'étais une adorable petite fille, brillante, polie et respectueuse, répondit-elle, sans compter que j'étais très très jolie !

Elle avait à peine fini sa phrase que Kenji éclatait déjà de rire.

- As-tu des preuves, tête brûlée ? Lui lança Daisuke, une lueur amusée dans le regard.

- Hein ? Comment veux-tu que je prouve ça ! s'exclama-t-elle, vexée. Et toi arrête de rire !

- C'est pas de ma faute ! C'est toi qui es hilarante ! parvint-il à dire entre deux éclats de rire

- Sérieusement... marmonna-t-elle.

- Mais... Megumi ? Fit soudain Akihoshi d'une voix tremblante.

La jeune fille leva les yeux vers lui, et croisa son regard surpris et heureux :

- Je... Je n'y crois pas ! Tu... Tu as retrouvé la mémoire ?!

Megumi marqua un temps d'arrêt et le regarda en clignant des yeux.

Les autres réalisèrent également, et se tournèrent vivement vers elle, attendant sa réponse.

« H... Hein ? »

- Euh... je...Qu'est-ce que j'ai dit déjà ? Bredouilla-t-elle bêtement.

- Mais... tu viens de nous parler de ton enfance ! S'exclama-t-il. Je t'ai posé la question en oubliant moi-même que tu ne saurais pas me répondre... et pourtant, tu l'as fait ! C'est merveilleux !

« Oh la gaffe... »

Elle roula des yeux affolés et le rouge lui monta aux joues.

« Mon Dieu, mais quelle idiote ! »

- Euh, je... je ne me souviens pas, je... bégaya-t-elle en se grattant la tête. Enfin, euh...peut-être...

Elle était tellement prise de court qu'elle en perdit totalement ses moyens. Elle ne savait plus quoi dire.

Elle échangea un rapide regard avec Daisuke qui lui faisait signe de se détendre.

« Facile à dire... »

- Si les souvenirs commencent à te revenir, c'est fantastique ! S'enthousiasma Akihoshi.

Elle grimaça un sourire, très mal à l'aise.

- Euh, on peut m'expliquer, là ? Fit soudain Kyosuke.

- Ah, c'est vrai que tu n'es pas au courant, dit Daisuke. Le village de Megumi a été attaqué, et le choc lui a fait perdre la mémoire.

- Ah ouais ? S'étonna-t-il en la regardant de nouveau. Je comprends mieux maintenant. J'étais étonné de voir une fille ici. C'était jamais arrivé.

- Mmh... Il est vrai que je préfère éviter afin que nos hommes ne soient pas dissipés, soupira Akihoshi. Mais la pauvre enfant ne savait plus où aller...

La jeune lycéenne déglutit et baissa les yeux vers son assiette.

Elle avait la soudaine impression d'être de trop. Ce qui intensifia son malaise.

« C'est vrai. Je ne devrais pas être là... »

« Ils vivent tous ici pour protéger les terres du roi Sando. Ils ont une mission à remplir. »

« Et moi, j'ai profité de leur hospitalité et de leur protection... »

« Alors qu'ils ont déjà tant de problèmes à gérer... entre les rebelles et Akiyama. »

Megumi songea qu'elle avait dû beaucoup les déranger en décidant de s'installer à l'avant-poste, mais Akihoshi était beaucoup trop gentil pour l'admettre.

« Je pense... qu'il est temps que je leur parle de mon départ prochain ».

« Les trois semaines sont quasiment terminées, après tout... »

Elle se tourna vers Akihoshi, le cœur étonnement serré.

- Oui, c’est vrai que j'étais perdue et épuisée, mais je vais beaucoup mieux aujourd’hui, grâce à vous, dit-elle en lui souriant doucement. Je vous remercie infiniment de vous être occupé de moi durant cette vingtaine de jours. Je ne pourrais probablement jamais vous rendre la pareille mais, sachez que vous avez toute ma reconnaissance...

Elle s'inclina devant le commandant, sous le regard intrigué des autres.

- Mais voyons, Megumi, relève la tête ! S'affola-t-il.

- Vous m'avez offert un toit, vous vous êtes toujours préoccupé de mon bien-être, continua-t-elle d’une voix un peu tremblante. Je crois que personne n'avait jamais été aussi gentil avec moi...

« Oh non... » s'affola-t-elle en sentant les larmes lui monter aux yeux.

Elle tenta de les contenir, mais c'était plus fort qu'elle. Elle s’empressa de les essuyer en rougissant.

À sa grande surprise, quitter cet endroit lui faisait bien plus de mal qu'elle ne l'avait cru.

- Enfin... je pense que jamais personne ne l'a été, se reprit-elle avec un rire triste. Étant donné que je ne peux pas m'en souvenir...

Elle était un peu gênée de dévoiler ainsi ses émotions devant tout le monde, mais malgré ses efforts, ses larmes coulaient d'elles-même.

- Enfin, tout ça pour vous dire que… Je pense que le temps est venu, dit-elle en passant de nouveau sa main sur ses larmes.

Elle se redressa, et se racla la gorge en essayant tant bien que mal de se reprendre.

- Comme convenu, je vais partir dans trois jours !

Cette annonce jeta un froid à table. Akihoshi la regardait avec de grands yeux choqués, comme s'il ne s'y attendait pas du tout.

- Mais enfin... pourquoi ?! Pour aller où ?

- Euh... bégaya-t-elle, un peu déroutée par cette réaction, je ne sais pas encore, mais... j'avais prévu de rester au moins trois semaines, vous vous en souvenez ? C'était le temps de me remettre.

- Oui, mais... Ne te sens pas obligée de partir si tu ne sais toujours pas où aller ! Tu devrais rester au moins, le temps de retrouver tes souvenirs...

Elle secoua la tête en évitant son regard.

Si elle continuait de regarder son air abattu, elle allait éclater en sanglots pour de bon.

- Je ne peux pas. Il y a un objet que je dois aller récupérer à tout prix. Je dois donc retourner à l'endroit où les garçons m'ont trouvée.

Daisuke et les autres échangèrent aussitôt un regard intrigué.

- Un objet ? S'étonna Akihoshi.

- Oui, un objet... très important que j'ai égaré lorsque je tentais... de m'enfuir, dit-elle en jetant un regard mauvais à Kenji.

- Pourquoi tu me regardes ?! S'agaça-t-il en remplissant de nouveau son bol. On était trois à te pourchasser, je te rappelle !

« Je me suis déjà fait la réflexion mais je crois que Kenji est celui qui mange le plus ici... » se dit-elle, épatée en voyant la quantité qu’il s’apprêtait à engloutir.

« Et il ne grossit pas ? »

« Enfin, je m’évade là... »

- Bref... marmonna-t-elle en détournant les yeux.

- De quoi « bref » ? S'énerva-t-il avec mauvaise humeur.

- En tout cas, je dois y retourner pour tenter de le retrouver... Et ensuite, je verrai bien où j'irai.

Un petit silence s'écoula.

- Cet objet est facilement repérable ? S'enquit Eisuke.

- Pas vraiment... C'est bien ça le problème, marmonna-t-elle. Mais, il faut que je le retrouve, j'en ai réellement besoin.

Akihoshi croisa les bras, l'air pensif.

- Et... En admettant que tu le retrouves, que se passera-t-il ensuite ?

Megumi lui sourit malgré son pincement au cœur.

- Si je le retrouve...Tout ira bien pour moi. Parce que cet objet est en quelque sorte, la clef de... tout. Lorsque je l'avais avec moi, des images me revenaient. Et si j'ai de la famille quelque part, ailleurs que dans mon village... il m'aidera à m'en souvenir.

Encore et toujours des mensonges.

Elle se haïssait de mentir à ce point à un homme aussi prévenant et naïf qu'Akihoshi, mais elle devait tenir bon.

Il était inutile de leur révéler la vérité maintenant.

Ils la prendraient tous pour une folle. Autant rester sur l'excuse de l'amnésie, et ne pas les impliquer davantage.

- Dans ce cas, nous allons t'aider à le retrouver ! Décida soudain Akihoshi avant de se tourner vers ses hommes. Vous êtes d'accord ?

- Évidemment, fit Daisuke sur le ton de l'évidence.

- Hein ? S'étonna-t-elle. Mais... Mais non, j'ai déjà bien assez abusé de votre temps comme ça ! Et... C'est à au moins cinq heures de marche d'ici.

- Sept heures, la corrigea Daisuke.

- De toute façon, tu es tellement bête comme tes pieds que tu ne saurais pas retrouver la clairière par toi-même, se moqua Kenji.

Megumi se tourna vers lui, un peu surprise.

- Quoi ? Râla-t-il.

- Tu connais cette expression ? S'étonna-t-elle.

- Non, mais tu me prends pour un imbécile, toi !? Espèce de grosse ahurie ! Se fâcha-t-il.

Ce n'était pas une moquerie. Elle était simplement étonnée d'entendre cette expression dans ce monde.

- Bref... dit-elle en se détournant.

- Arrête avec tes « bref » ! Explosa-t-il.

- C'est vraiment gentil à vous de vouloir m'aider, mais une simple carte et quelques indications suffiront, reprit-elle.

- La route que tu t'apprêtes à prendre est périlleuse, protesta Akihoshi. Je ne peux pas te laisser l'emprunter sans escorte !

- Mais et après ? Que je le retrouve ou pas, le problème sera le même ! Il faudra bien que je reprenne la route à un moment donné !

- Oui, mais pas maintenant ! Pas comme ça ! Protesta Akihoshi. Je ne vais pas en dormir de la nuit si je te laisse partir à l'aventure, comme ça, toute seule !

Megumi soupira et passa la main sur son visage en échangeant un regard avec Daisuke qui suivait l'échange d'un air amusé.

Il semblait penser : « Tu as franchement cru que ça serait si facile ? »

Elle avait été en effet bien naïve de croire qu'il la laisserait partir si facilement.

Ces quelques jours passés à leurs côtés avaient été si intenses qu'elle avait l'impression de partager leur quotidien depuis des mois...

- C'est dur pour moi aussi de partir comme ça, mais... Ma vie est ailleurs, et je dois trouver ce que j'ai perdu pour retrouver ma route.

Le commandant tapota la table du bout des doigts, le regard perdu dans le vague, puis il leva de nouveau les yeux vers Megumi, plus déterminé que jamais.

- Dans ce cas, insista Akihoshi, laisse-nous t'aider à retrouver ce que tu cherches et ensuite reviens au domaine, le temps de savoir où tu dois vraiment aller ! Et pas de discussion ! Ne laisse pas un vieil homme se faire du souci !

- Mais, vous n'êtes pas vieux, commandant... soupira-t-elle, blasée.

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