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Akai ito
livre 1

couverture - Copie_edited.jpg

Chapitre 10

Lorsqu'une violente douleur lui traversa subitement le crâne, Megumi sortit de son sommeil avec langueur.

Elle ouvrit péniblement les yeux.

Il faisait jour.

Elle grimaça et referma vivement les paupières dans l’espoir de voir sa migraine s'apaiser.

Puis tout à coup, elle sursauta en sentant quelque chose lui toucher le pied à travers la couverture. La jeune fille se redressa si vivement que ses oreilles se mirent à bourdonner.

Elle entendit un petit grattement sur le plancher et se leva d'un bond en voyant un genre de souris, d'une couleur rose pâle, passer juste devant son nez.

Elle étouffa un cri et se jeta contre le mur, le plus loin possible de l'animal.

Elle n'avait jamais vraiment eu spécialement peur des souris, mais en voir une passer juste devant elle, à peine réveillée...

C'était un peu trop brutal.

La petite bête se promena à travers la pièce, alors Megumi glissa le long du mur, en direction de la porte menant aux jardins, puis elle l'ouvrit à l'aveuglette.

- Psst ! Allez ! Oust !

Mais, comme pour la taquiner, la souris repartit soudain en sens inverse.

- Mais non, pas par-là ! Raaaah ! Pesta-t-elle.

Megumi attrapa son drap d'un geste rageur, et l'agita devant elle pour l'effrayer.

Après une longue bataille, elle parvint à faire sortir la bête à son grand soulagement...

Ce fut seulement à cet instant qu'elle réalisa qu'Eisuke passait par là, et qu'il observait la scène, le visage fermé.

Elle tressaillit et le regarda en clignant bêtement des yeux avant de grimacer un sourire.

- Eh, quoi de neu... ? Euh, je veux dire... Bonjour, bredouilla-t-elle, mal à l'aise.

Le regard du vice-commandant suivit la « souris », qui bondissait vers le jardin, avant de disparaître derrière un buisson. Puis ses yeux glaçants se posèrent de nouveau sur la jeune femme.

- Je... Bégaya-t-elle. Je n'aime pas trop ce genre de « bêbête » ...

Un silence s'installa.

Eisuke détourna son regard indifférent, puis il reprit sa marche, sans lui témoigner davantage d'intérêt.

Megumi soupira, un peu désappointée, et toucha machinalement son bandage.

Elle s'était tant affolée qu'elle avait l'impression que sa tête pesait une tonne...

Elle s'apprêtait à refermer la porte, lorsqu'elle entendit soudain des bruits de pas rapides au loin.

Aussitôt, elle écarquilla les yeux en voyant tous ces muscles ruisselants de sueur, briller au soleil.

Une quinzaine de soldats étaient en effet occupés à courir à travers le jardin, torses nus et entraînés par Hayate, qui ne portait également qu'un simple pantalon et son arme.

Sa première réaction fut de vouloir refermer brusquement la porte, pourtant elle n'en fit rien...

Elle se sentit comme hypnotisée. Le jeune homme courait énergiquement en tête de file, et imposait un rythme manifestement beaucoup trop rapide pour eux. Ses hommes traînaient des pieds derrière lui, tous à bout de force.

Hayate s'arrêta en se moquant de leur manque d'endurance, puis il se tourna vers eux, un sourire sadique sur les lèvres et claqua des doigts.

Les hommes poussèrent des cris désespérés en se jetant au sol pour effectuer une série de pompes.

Hayate marcha autour d'eux en ricanant, tout en promettant la mort au premier qui s'écroulera d'épuisement.

Megumi soupira de lassitude.

Cet homme avait décidément un goût très prononcé pour la torture psychologique...

Et elle n'était visiblement pas la seule de ses victimes...

La jeune lycéenne se remémora alors leur altercation au sujet du registre.

Elle ne l'avait pas revu depuis ce jour-là. Dans quel état d'esprit était-il à présent ?

Prévoyait-il toujours de la tourmenter avec ce chantage ?

Personne d'autre n'était visiblement au courant...

L'un de ses hommes s'écroula soudain de fatigue et tous les autres sursautèrent en levant des yeux tétanisés vers Hayate, qui le regardait avec un petit sourire mauvais.

Le soldat tenta précipitamment de reprendre sa série de pompes, mais il retomba aussitôt sur le sol, à bout de force.

Hayate l'interpella et lui fit signe de venir derrière lui.

Il devint pâle comme un linge et se leva difficilement avant de s'avancer vers le capitaine.

Son regard fouillait le sol avec un mélange de honte et de désespoir...

« Il... il ne va pas le tuer, pour de vrai, non ? » douta-t-elle en retenant son souffle.

Le jeune homme pouffa de rire, les yeux malicieux, et pour une raison qui lui échappait encore, Megumi sentit une chaleur se répandre dans sa poitrine.

Elle soupira en se mordillant la lèvre avec frustration, puis, elle saisit la porte pour la refermer, mais son regard se perdit dans la contemplation de cet abdomen incroyablement bien dessiné...

De ces bras forts et sculptés.

De ce torse bien plus large qu'elle ne l'avait supposé à travers ses vêtements...

De cette goutte de sueur qui glissait jusqu'à son nombril, puis vers son bas ventre...

Quelque chose en elle se contracta et une bouffée de chaleur l'envahit à l'idée de laisser ses doigts s'aventurer sur sa peau humide.

« Mon Dieu ! Mais qu'est-ce qui me prend, là ?! Ça ne va pas ?! »

« Je n'ai jamais, JAMAIS, eu ce genre de réflexion avant de le connaître ! »

Et, comme s'il avait entendu ses pensées, ses yeux verts étincelants se posèrent sur elle.

Elle sursauta et le regarda en retenant son souffle, les joues cramoisies, comme un voleur pris la main dans le sac.

Il la fixa pendant un instant, puis, il inclina la tête sur le côté tandis qu'un sourire malveillant et suffisant étirait ses lèvres.

Megumi fronça les yeux, piquée au vif, et ferma la porte d'un claquement sec en pestant un juron.

La jeune femme resta ainsi, les mains contre la porte pendant un moment, puis lorsqu'elle les entendit tous repartir au pas de course, elle soupira de soulagement.

« Bon sang, quelle idiote... C'est comme si je lui avais envoyé une invitation !»

Elle pesta de nouveau contre sa propre faiblesse et se frotta le visage en soupirant d'impuissance.

- Tout va bien ? S'enquit soudain une voix derrière elle.

Megumi bondit et se tourna vivement vers Daisuke qui la regardait depuis le seuil de la porte menant au couloir.

- Désolé, je t’apportais juste ton médicament. Kenji est toujours en train de préparer le petit déjeuner alors j'ai pensé que tu devais en avoir besoin...

- Ah... soupira-t-elle en relâchant la porte coulissante. C'est adorable, merci beaucoup.

Daisuke s'avança vers elle et lui donna une tasse fumante, qu'elle saisit d'un air intrigué.

- Bois, ça va endormir la douleur et accélérer la cicatrisation.

Megumi porta le liquide chaud à ses lèvres et une grimace de dégoût vint aussitôt tordre sa bouche.

Daisuke la regarda avec amusement.

- Oui, je sais, ce n'est pas fameux...

- « Pas fameux » ? Marmonna-t-elle en se concentrant pour ne pas vomir.

L'odeur était aussi immonde que le goût, mais elle prit sur elle et en but une nouvelle gorgée.

- Tu devrais te recoucher, dit-il, tu es encore très pâle.

- Je voulais juste me dégourdir les jambes, dit-elle tandis que Daisuke s'accroupissait pour refaire correctement sa couche.

- Le docteur a été clair :  repos complet pendant au moins six jours.

Il saisit sa tasse et tapota la place face à l'oreiller pour l'inviter à s'installer. La jeune femme s'exécuta sans discuter, Daisuke la recouvrit avec douceur et lui rendit sa tasse avec un petit sourire encourageant.

Elle l'accepta en grimaçant un sourire, une expression qui amusa visiblement beaucoup le capitaine.

- Alors ? Comment te sens-tu ? Tu arrives à dormir correctement la nuit ?

- La douleur me réveille par moment, mais ça va, répondit-elle en buvant une gorgée.

- Mmh...

Il réfléchit pendant un instant avant d'ajouter :

- Kenji t'a présenté ses excuses, je suppose ?

- Oui, le commandant l'a un peu obligé à le faire, répondit-elle en souriant.

Il secoua la tête, certainement las.

- Excuse-le, il a tendance à agir sur un coup de tête et à le regretter ensuite.

- Regretter, je ne pense pas, dit-elle avec amusement.

- C'est vrai, pas toujours, admit-il. Mais lorsque tu es tombée la tête la première, et que le commandant nous a annoncé que ton identité avait été vérifiée, je peux t'assurer qu'il a eu de gros regrets...

Il avait prononcé ces mots en la dévisageant intensément.

Daisuke avait toujours su qu'elle avait menti sur son identité, alors il devait se sentir un peu perdu par rapport à cette histoire de registre.

La jeune fille hésita, puis après un moment, elle décida qu'il méritait au moins de savoir la vérité sur ce point.

 

 

* * *

 

 

Megumi préféra ne pas parler à Daisuke du chantage d'Hayate, se contentant simplement de lui révéler que c'était lui qui avait inscrit son nom sur le registre.

Il eut l'air un peu étonné par ses révélations.

- Voilà... Je ne sais pas si ça vous intéresse réellement, mais... je me suis dit que vous voudriez peut-être le savoir.

Il fixa le vide pendant un instant, puis, il releva les yeux vers elle et hocha doucement la tête.

- Mmh... Je comprends mieux, murmura-t-il avant d'ajouter avec un sourire affable : Je te remercie pour ton honnêteté.

Megumi répondit timidement à son sourire avant de baisser les yeux.

Elle ignorait si elle faisait erreur, mais cet homme lui inspirait tant confiance qu'elle voulait presque tout lui raconter en fondant en larmes.

Elle voulait lui confier ses doutes, ses angoisses...

Lui parler de la sorcière, de la bille, de cette vie qu'elle avait perdue...

Mais une part d'elle, plus prudente, lui intimait de garder le silence sur ce sujet, alors elle préféra ne rien dire.

- Bon... Si Hayate a fait ça, le connaissant, c'est pour la simple et bonne raison qu'il veut que tu te sentes redevable, vis à vis de lui, dit-il avec ennui.

- Oui, je m'en doute... Soupira-t-elle.

Elle était bien trop mal à l'aise pour lui parler de la scène dans le couloir.

- S'il commence à te faire du chantage, viens immédiatement m'en parler, dit-il en levant les yeux vers elle.

Megumi avait à peine croisé son regard qu'elle voyait déjà une lueur passer dans ses prunelles.

- C'est déjà arrivé, n'est-ce pas ? Devina-t-il.

La jeune femme en eut le souffle coupé. Elle avait pourtant tout fait pour garder un visage impassible.

« Il peut lire dans les pensées ou quoi ?! »

- Je vais lui parler, marmonna-t-il en faisant un geste pour se lever.

- N... Non ! S'exclama-t-elle en le retenant par le bras.

Elle tiqua en sentant sa blessure à la tête la lancer de nouveau.

- S'il vous plaît, je ne veux pas faire d'histoire, ne lui dites rien...

Il fronça les sourcils et elle ajouta :

- Je pars dans un peu plus de deux semaines, le temps de me préparer alors... Je ne veux pas provoquer de conflit.

Elle se mordilla la lèvre en baissant les yeux.

Elle ne connaissait pas très bien Hayate, mais elle ne pensait pas se tromper en le qualifiant d'impulsif et d'incontrôlable...

Qu'adviendrait-il d'elle si jamais il décidait d'avouer en ricanant qu'il était celui qui avait noté son nom dans le registre ?

- Et il n'y a pas que ça, avoua-t-elle à voix basse, je ne veux pas que le commandant apprenne la vérité...

Elle voyait encore son regard compatissant et bienveillant sur elle, alors qu'il venait d'apprendre que le dernier membre de sa famille avait soi-disant péri dans un incendie...

- Je ne veux pas... voir la déception dans ses yeux.

Daisuke la regarda d'un air intrigué, un silence s'écoula, et lorsque Megumi relâcha doucement son poignet, le regard du capitaine fixa un point devant lui.

- Tu ne peux vraiment pas... nous dire la vérité, Megumi ?

Sa voix était si douce, si réconfortante, que la jeune femme sentit sa gorge se nouer et les larmes lui monter aux yeux.

Elle secoua la tête en la baissant, pour fuir son regard.

Daisuke soupira.

- Est-ce que tu peux au moins me dire... si ton but est d'aider quelqu'un de l'extérieur à nous faire du mal ?

Megumi retint son souffle et leva de grands yeux humides vers Daisuke.

- Je vous le jure, capitaine ! Si je me suis retrouvée ici... C'est à cause d'un incroyable concours de circonstances... Je ne suis pas là pour vous nuire ! Croyez-moi...

Elle grimaça en cherchant ses mots.

- Je suis consciente que ce ne sont que des paroles, je suis désolée, mais...

Daisuke secoua la tête avec un petit sourire.

- Ne t'inquiète pas. Des paroles sont parfois suffisantes, dit-il d'un ton rassurant.

Le jeune homme se redressa avec un soupir, comme si son corps était bien trop lourd pour ses jambes pourtant bien massives.

- Je vais presser Kenji, il tarde un peu trop à te ramener ton petit déjeuner.

- Ah ? Ce n'est pas grave, je n'ai pas si faim de toute façon...

- Il faut que tu manges, trancha-t-il. Et surtout, une fois rassasiée, je veux que tu t'allonges. Tu t'es déjà un peu trop agitée pour la journée.

- Euh... Oui, mais, je vais bien, alors...ne vous inquiétez pas.

Elle lui sourit doucement et hocha la tête.

- Et je vous remercie, capitaine, pour votre confiance et votre sollicitude.

Daisuke pouffa doucement d'un air attendri, puis, il quitta enfin la pièce et s'arrêta sur le seuil avec un léger sursaut.

- Elle a bien failli attendre, râla-t-il.

- Roh ça va, depuis quand cette fille est devenue « l'invitée royale » de la maison ?

Megumi reconnut cette voix criarde et insupportable avant même de voir le bout du nez de son propriétaire.

Kenji entra dans la pièce en marmonnant des jurons, sous le regard las de Daisuke.

- Et veille à ce qu'elle ne manque de rien, Kenji, c'est bien compris ? Insista le capitaine en s'éloignant dans le couloir.

- Ouais, j'ai compris, ça va, s'énerva-t-il en posant devant elle, un plateau semblable à une petite table basse. Bouffe maintenant et étouffe toi avec...

Megumi le regarda d'un air agaçé avant de baisser les yeux vers son plateau.

Des morceaux colorés semblables à des fruits frais avaient été soigneusement tranchés et posés dans une petite assiette plate.

Un petit bol de riz trônait au milieu, ainsi qu'une tasse de thé fumant.

Kenji saisit une sorte de carafe en bois et lui servit un verre d'eau, la mine sinistre.

Il ressemblait à un petit garçon puni, avec ses joues potelées et son regard boudeur.

Lorsqu'il remarqua son regard sur lui, il devint plus colérique.

- Quoi ? Qu'est-ce que tu regardes ? Aboya-t-il.

Elle secoua la tête.

- Rien, je voulais juste te dire que je ne comptais pas manger.

Il sursauta comme si elle l'avait giflé.

- Hein ?! Quoi ?!

- Bah oui, marmonna-t-elle. Je ne te fais pas confiance, qui me dit que tu n'as pas craché dans ma nourriture ?

Kenji la regarda en clignant des yeux d'un air choqué, et poussa soudain un juron lorsqu’il fit déborder le verre.

Il sortit aussitôt une serviette de sa poche.

- Bordel ! Regarde ce que tu as fait ! S'écria-t-il en s'empressant d'essuyer l'eau sur le plateau

- Ha ha, parce que c’est de ma faute maintenant ? Rit-elle.

Il marmonna dans sa barbe en terminant de nettoyer.

- Tss ! N’importe quoi ! Cracher dans la bouffe...Pesta-t-il. Comme si je pouvais faire un truc pareil !

La jeune lycéenne comprit immédiatement à sa réaction que cette idée ne lui avait même pas traversé l'esprit.

Elle se sentit soulagée.

Pourtant, il l'agaçait tellement qu'elle décida finalement de s'obstiner, pour l'embêter.

- Je ne te crois pas, je sens que tu as fait une crasse... ou que tu as mis du poison dedans pour te débarrasser de moi !

- Imbécile, tu m’as pris pour quoi ?! Une mauviette ?! S'indigna-t-il. Si je décide un jour de te tuer, je le ferai directement et sans détour !

Il tapota le manche de son arme, le regard sombre et furieux.

- Alors, ne me cherche pas, c'est clair ?!

Il posa bruyamment la carafe de bois sur le plateau et se leva d'un bond, avant de quitter la pièce en tapant des pieds.

Megumi le suivit des yeux avec un petit sourire, puis lorsqu'elle se retrouva de nouveau seule, elle commença son repas avec bien plus d'appétit qu'elle ne l'avait pensé.

Sa blessure lui faisait mal par moment, et le bandage la grattait, mais elle s'efforçait de ne pas y prêter attention.

Le repas était très bon. Particulièrement le plateau de fruits qui était très sucré.

Elle avait pris l'habitude d'en manger chaque matin, et étrangement, elle sentait que cet étrange goût sucré allait lui manquer si elle parvenait à rentrer chez elle, un jour...

C’était un goût différent de celui de son monde. Très concentré et léger à la fois.

« Mais bon, rien d’autre ne me manquera... » se dit-elle dépitée.

Une vie sans téléphone portable ni internet, pour une jeune femme moderne comme elle, était un véritable calvaire…

« Purée, je m’ennuie »

« Moi qui aime tellement traîner sur YaTube quand je mange… se dit-elle en portant sa tasse de thé à ses lèvres.

Un thé bien plus délicieux que chez elle...

Elle marqua un temps d'arrêt et ferma les yeux afin de mieux savourer la chaleur de sa prochaine gorgée.

- Eh, Megu chan ! s'écria soudain une voix tandis que la porte extérieure s'ouvrait brusquement.

La jeune femme sursauta et faillit renverser le contenu de sa tasse de thé.

Elle la rattrapa de justesse, soupira de soulagement après avoir évité la casse... puis, elle leva les yeux vers Hayate, qui avait appuyé son coude contre la porte, dans une position nonchalante.

Son regard était obscur, ce qui détonnait avec cet étrange sourire taquin qui creusait deux petites fossettes sur ses joues...

Il ne portait toujours qu'un simple pantalon pour seul vêtement, alors elle écarquilla les yeux et s'empressa de détourner la tête, le souffle coupé.

- Mais enfin, qu'est-ce qui t'a pris d'ouvrir la porte comme ça ?! Suffoqua-t-elle. On ne t'a jamais appris à frapper avant d'entrer ?!

- Tu rigoles ? Rit-il de dérision, en entrant dans la pièce.

Visiblement, il n'était pas le genre à s'embarrasser avec ce genre de « règles ».

Megumi paniqua intérieurement et fixa son plateau tandis que le jeune homme s'installait paresseusement sur le sol, non loin d'elle.

« Il se croit où lui ?! » S'affola-t-elle en luttant pour respirer normalement.

- Qu'est-ce que tu fiches ? Pourquoi tu t'installes ?

- Parce que je me repose, répondit-il sur le ton de l'évidence, j'ai envoyé les apprentis faire encore vingt tours pendant ce temps.

Megumi écarquilla les yeux.

« Vingt fois le tour du domaine ? Alors qu'ils étaient déjà à bout de souffle ? Ce type est un grand malade... ».

- Pourquoi ne cours-tu pas avec eux alors dans ce cas ? Ça les encouragerait...

- Non, je suis crevé, s’amusa-t-il.

« Purée... »

« Sans commentaire... »

Elle pesta et saisit ses baguettes pour continuer son repas.

- Je n’aimerais vraiment pas être ton apprentie... marmonna-t-elle en prenant une bouchée de riz.

- Ah ? Et pourquoi ?

- Peu importe, soupira-t-elle avec impatience. Bon, peux-tu me laisser seule, s’il te plait ? Je suis en train de manger...

- Et alors ? En quoi ça t'empêche de manger ? Pouffa-t-il de rire. Tu devrais me remercier au contraire, je suis venu te tenir compagnie.

Soudain, il se redressa et fit passer son bras musclé devant elle. La jeune femme se raidit sur place et sentit son cœur bondir jusqu'à sa gorge.

Hayate sourit, l'air narquois, et saisit la carafe d'eau avant de la boire au goulot.

La jeune femme prit un air las, puis son regard s'accrocha à ces lèvres malicieuses qui engloutissaient le bord de sa carafe.

Elle contempla le mouvement de sa pomme d'Adam, fascinée, et suivit des yeux le parcours d'une goutte d'eau, qui s'aventura sur son torse large, puis sur ses abdominaux, avant de mourir sur son bas ventre, absorbée par le tissu de son pantalon.

Quand elle réalisa qu'elle le dévorait des yeux, elle s'empressa de remonter son regard vers son visage, et son cœur manqua un battement lorsqu'elle remarqua ses yeux perçants sur elle, à travers ses cils charbonneux.

Il avala une dernière gorgée avec un sourire en coin, alors, Megumi détourna les yeux en rougissant d'embarras.

Elle avait envie de s’enterrer tant elle avait honte. Heureusement, elle retrouva rapidement l'usage de la parole.

- Je n'ai pas besoin de ta compagnie ! S'énerva-t-elle soudain. Alors sors ! Tu me fais mal au crâne !

Ce qui était vrai...

Ses émotions et ses sens étaient si bouleversés qu'elle avait l'impression que sa tête allait exploser.

Elle se fit violence pour ne pas se débarrasser de ce bandage qui lui serrait beaucoup trop la tête.

- Crie moins et tu auras moins mal, s'esclaffa-t-il en reposant la carafe sur le plateau.

Megumi ferma les yeux en soupirant d'impatience, puis elle lui jeta un regard noir du coin de l’œil.

- Ha ha, eh bah, dis donc Megu chan, tu as l'air de m'en vouloir, aujourd'hui ! Rit-il avec légèreté.

- Je veux juste que tu t'en ailles, soupira-t-elle, agacée.

Il pouffa de rire et se servit soudain dans son plat de fruits.

Elle le regarda faire avec une lassitude morne.

« Il n'entend pas ce que je dis ou quoi ?! »

- Bon allez, dis-moi ce qui te turlupine, Megu chan, s'amusa-t-il en engloutissant les fruits de SON petit déjeuner.

Ce ton moqueur la rendait dingue.

Elle haïssait ce type...

- Ne me dis pas que tu fais du boudin parce que je t'ai un peu taquinée avec cette histoire de registre, s'amusa Hayate en se servant de nouveau dans ses fruits.

- Si tu le sais, pourquoi tu me le demandes ? Râla-t-elle. Et arrête de toucher à ma bouffe !

Elle donna une claque sur sa main et il engloutit vivement les fruits qu'il était parvenu à lui voler, en éclatant de rire.

La jeune femme s'efforça de garder un air stoïque, mais lorsqu'il la regardait en riant franchement de cette manière, et sans cette lueur malfaisante dans le regard... elle sentait fondre sa détermination.

Elle serra la mâchoire pour contenir le sourire qui lui brûlait les lèvres, et continua son repas pour éviter de le regarder.

L'entendre rire provoquait en elle un tel sentiment d’allégresse qu'elle ne pouvait s'empêcher de s'en vouloir.

Un mélange de colère et d'humiliation faisait consumer son cœur.

Depuis quand ce type gérait-t-il la pluie et le beau temps en elle ?

- Megu chan, pouffa-t-il à voix basse.

Elle sursauta lorsqu'il saisit une mèche de sa longue chevelure.

Il joua avec ses pointes, l'enroula doucement autour de ses doigts...

- Allez, faisons la paix, murmura-t-il soudain beaucoup trop près de son visage, je n'aime pas quand tu me fais la tête...

Megumi tourna la tête vers lui et son cœur s'enflamma dans sa poitrine tandis qu'elle se perdait dans le vert de ses prunelles.

Leur teinte émeraude était si pure...

Elle baissa les yeux et se racla la gorge avant de le forcer à relâcher ses cheveux.

- D'accord, mais si tu me jures que tu ne me feras plus jamais de chantage, même pour rire..., marmonna-t-elle en se traînant jusqu'au bord de son futon pour mettre de la distance entre eux.

Il sourit.

- Si tu y tiens, d'accord, dit-il à voix basse, sans se défaire de son petit sourire malicieux permanent.

Megumi ignorait si elle pouvait se fier à ce sourire du diable, mais avait-elle le choix ?

Elle détourna les yeux et termina son bol de riz tandis qu'Hayate regardait ses apprentis passer depuis la porte, toujours grande ouverte.

Il se mit à rire en voyant à quel point ils étaient épuisés.

- Tu comptes vraiment les laisser faire vingt fois le tour du domaine ? S'enquit-elle, inquiète.

- Mais non, s'amusa-t-il. Encore un tour et je vais les libérer...

- Ah ?

Megumi le regarda du coin de l'œil, puis elle reporta son attention sur les apprentis qui traînaient des pieds en respirant comme des bœufs.

Certains regardaient vers le ciel d'un air désespéré.

Un petit sourire incontrôlable se dessina sur les lèvres de Megumi.

Heureusement pour elle, elle se reprit rapidement avant que le capitaine ne s'en rende compte.

Elle refusait de lui montrer que sa petite blague l'amusait aussi.

- Tu es vraiment abominable...

Elle aurait voulu prononcer ces mots sèchement, pourtant, ils sortirent dans un pouffement de rire qu'elle ne parvint pas à contenir.

Elle se maudit et tenta de se reprendre mais c'était plus fort qu'elle. Et plus elle se retenait de rire, moins elle parvenait à se contrôler.

Megumi croisa son regard distrait, puis, aussitôt, elle perdit la bataille et posa bruyamment son bol tandis que ses éclats de rire l'empêchaient déjà de respirer.

Le regard rieur d'Hayate s'accentua en la regardant, puis il se mit de nouveau à rire en voyant passer les derniers apprentis qui tentaient tant bien que mal de garder le rythme.

Et lorsque Megumi vit le tout dernier de la file, avancer à quatre pattes avec détresse, elle se plia en deux, et partit pour de bon en fou rire.

Un long et délicieux fou rire.

Son premier depuis longtemps.

Hayate riait aussi, sans perdre une miette du spectacle hilarant qui se jouait devant eux.

Megumi ne l'avait jamais vu ainsi, il semblait tout à coup plus jeune et accessible.

Son rire était aussi communicatif qu'enchanteur, il raisonnait à ses oreilles comme un merveilleux chant.

De sa vie, jamais voir un homme rire ne l'avait rendue si heureuse...

- Tu es vraiment... vraiment cruel, lui répéta-t-elle entre deux éclats de rire.

- Tu l'es autant que moi, Megu chan, tu te marres sans aucune pitié, lui dit-il d'une voix si grave et basse, qu'elle fit vibrer chaque parcelle de son être.

Megumi leva les yeux vers lui et son fou rire se calma aussitôt en réalisant qu'il l’épiait du coin de l'œil.

Il souriait toujours avec amusement, mais son regard la détaillait avec un sérieux teinté de malice.

Une malice qui l'effrayait et l'excitait à la fois.

Quelle était donc cette sensation ?

Elle essuya ses larmes de rire en détournant les yeux, le cœur brûlant et affolé.

Un silence s'installa entre eux et Megumi se sentit soudain si gênée qu'elle en oublia de respirer.

Pour occuper ses mains, elle souleva le plateau pour le déposer près du futon, à l’opposé du capitaine.

Même en lui tournant le dos, elle sentait ses yeux sur elle.

Sa nuque et ses omoplates la chatouillaient sous l'effet de son regard appuyé et dangereux...

Son cœur battait si fort qu'elle l'entendait vibrer dans ses oreilles.

- Tu... Tu devrais commencer à y aller... pour les retenir lorsqu'ils termineront leur deuxième tour, balbutia-t-elle enfin.

Un court silence s'installa, et Megumi déglutit en serrant les poings pour empêcher ses mains de trembler.

- Le domaine est grand, et vu leur rythme, j'ai encore quelques minutes à tuer...

Sa voix était sombre, douce, et légèrement cynique...

Elle en avait la chair de poule.

La jeune femme haïssait cette sensation (ou plutôt, elle se haïssait, d'aimer à ce point cette sensation).

- Megu chan ? Pourquoi évites-tu mon regard ?

Elle sursauta et se raidit pendant un instant avant d'oser enfin le regarder.

Son regard ne fit rien pour calmer le feu de ses joues, et encore moins la tempête dans son cœur...

Un petit sourire étira le coin de la bouche d'Hayate, et Megumi ne sut comment elle parvint à rester impassible lorsque son regard chercha lentement ses lèvres tremblantes.

Le vert de ses yeux s'intensifia et une décharge électrique la traversa de la tête aux pieds, comme pour répondre à quelque chose en lui...

Et soudain, elle voulut se lever et se jeter contre ce torse nu, musclé et humide...

Soudain, elle eut une envie irrépressible de goûter ses lèvres, de plonger ses doigts dans ses cheveux trempés de sueur, de mordre dans cette épaule musclée qui était bien trop proche de son visage...

Soudain, elle faillit jeter aux oubliettes tout ce qu'elle était, et le supplier de faire d'elle ce qu'il désirait...

Mais tout à coup, un bruit sourd se fit entendre dans la maison, ramenant Megumi à la réalité.

Elle cligna des yeux, le regarda bêtement et s'empressa de détourner la tête, l'air paniqué.

« Je... Je viens d'avoir quel genre de pensées, là ? »

Elle se sentait si honteuse qu'elle ne savait plus où regarder.

Elle se racla la gorge et remonta la couverture au niveau de son menton.

« Mon Dieu, mais qu'est-ce qui m'arrive ?! À quoi je pensais ? »

- Au fait... bredouilla-t-elle pour briser cette étrange tension entre eux.

Elle devait à tout prix lancer un sujet de conversation afin de reprendre le contrôle.

- Daisuke... commença-t-elle, hésitante, il est au courant pour le registre. Je lui en ai parlé, ce matin...

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