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Akai ito
livre 1

couverture - Copie_edited.jpg

Chapitre 4

Si toute cette aventure n'était qu'un rêve, il était temps de se réveiller...

« Et tout de suite, si possible » songea-t-elle en observant le décor totalement surréaliste qui se dessinait sous ses yeux.

Après une longue marche à travers la forêt, ils venaient de franchir un gigantesque mur, en traversant une haute porte en bois, protégée et gardée par d'autres soldats. De l'autre côté, se trouvaient une grande étendue d'herbe, un peu trop verte pour être réelle, ainsi qu'une gigantesque demeure, ressemblant au palais impérial de Tokyo, mais en bien plus modeste... Et différent.

« Mais, bon sang... Où suis-je donc tombée ? » se demanda-t-elle, encore et encore. Ce rêve était, certes, extraordinaire, mais il lui paraissait interminable.

La nuit était sur le point de tomber, et son ventre commençait à gronder. Elle n'avait rien mangé depuis qu'elle était arrivée ici. Elle pesta de douleur en baissant les yeux vers ses poignets liés. La corde lui meurtrissait la peau, comme pour lui prouver qu'elle n'était pas en train de rêver. Mais c'était si difficile à croire… Ce genre de chose n'arrivait que dans les livres ou dans les films.

Pas dans la vraie vie !

Son cerveau continuait d'essayer de trouver une explication rationnelle, mais plus les minutes s'écoulaient, plus il lui était difficile d'en trouver une...

- Bonjour à tous, je suis si heureux et soulagé de vous revoir sains et saufs ! Retentit soudain une voix grave.

Megumi sortit net de ses pensées et leva les yeux vers l'entrée de la demeure.

Une rangée de soldats était au garde à vous, et un homme d'environ une quarantaine d'années se tenait devant la porte, le visage souriant et bienveillant. Sa carrure était assez imposante, il portait une sorte de kimono et une cape mi-longue, comme les autres, mais d’une couleur bien plus sombre, un peu comme la tenue d'Eisuke, avec quelques petits motifs blancs supplémentaires.

Celui-ci descendit justement de sa monture avec grâce, et s'avança vers lui avant de s'incliner avec respect. Hayate alla également à sa rencontre, sans se défaire de sa nonchalance habituelle, mais l'homme ne sembla pas s'en formaliser. Il semblait simplement heureux de les revoir entiers.

- Commandant Akihoshi, les rebelles ont été neutralisé sans difficulté, lui annonça Eisuke, c'est une victoire écrasante pour l'avant-poste Ilias.

Megumi haussa les sourcils avec surprise. Cet homme était donc leur chef ?

Le fameux « Akihoshi » ?

Elle ne l'avait pas du tout imaginé ainsi. Avec l'accueil violent qu'elle avait reçu, elle s'était préparée à devoir affronter un dragon, ou un ogre. Certainement pas un homme au regard si doux et agréable...

Megumi sentit enfin l'air circuler correctement dans ses poumons. Son soulagement était peut-être prématuré, mais pour une raison qui lui échappait, elle sentait que cet homme ne lui ferait pas de mal.

« Ou du moins, je l'espère... Je suis si épuisée et affamée que je n'arrive plus à réfléchir correctement ».

- C'est une bonne nouvelle, répondit Akihoshi avec un sourire. Vous nous avez fait honneur. Le roi sera très satisfait. Le problème des rebelles est enfin résolu...

Il fit un pas en arrière et leur fit signe de le suivre.

- Allons à l'intérieur, pour le rapport.

- Bien commandant, obéit Eisuke.

- Toi aussi, Hayate, ajouta Akihoshi en le voyant déjà repartir en sens inverse.

Celui-ci leva les yeux au ciel avant de les suivre, visiblement ennuyé d'avance. Megumi les suivit du regard pendant un instant et tressauta lorsque deux soldats se plantèrent soudain devant elle, avant de couper le lien qui la maintenait aux autres prisonniers.

- Qu... Que faites-vous ? S'affola-t-elle en les regardant à tour de rôle.

- Ordre du vice-commandant, répondit simplement l'un d'entre eux d'une voix froide, sans lui donner davantage de détails.

Elle poussa un cri étouffé et sentit la panique s'emparer d'elle tandis qu'ils la prenaient chacun par un bras avant de la ramener de force à l'intérieur du domaine. Aussitôt, une odeur de bois mêlée à de l'encens vint lui chatouiller les narines, lui rappelant celle des temples de Tokyo, où elle allait prier à chaque nouvel an. Megumi fut entraînée dans un long couloir sombre et lugubre, et la jeune femme sentit soudain la panique l'envahir. Et si ces deux hommes tentaient d'abuser d'elle ?

Elle avait senti les regards lubriques de quelques soldats durant le voyage. Ils n'avaient cessé de reluquer ses jambes nues, comme s'ils n'avaient jamais vu de femmes de leurs vies. Megumi voulut hurler afin d'alerter leur chef, mais les soldats la jetèrent brusquement à l'intérieur d'une pièce, sans crier gare. La jeune femme poussa un cri de douleur en atterrissant sur la hanche, puis elle se tourna vivement vers les deux hommes, prête à lutter pour protéger sa vertu.

Mais ils repartaient déjà en claquant la porte derrière eux, sans dire un mot...

« Hein ? »

Megumi regarda la porte pendant un long moment avec de grands yeux abasourdis, puis elle soupira de soulagement en comprenant qu'elle s'était fourvoyée. Ces hommes n'avaient pas prévu de la violer, tout compte fait.

Elle grimaça de douleur et se massa la hanche avant de balayer la pièce de son regard curieux.

Il faisait sombre. Seuls les derniers rayons du soleil lui apportaient un brin de lumière.

Le moindre mouvement faisait grincer le sol en bois.

C'était une toute petite pièce sans le moindre meuble, ni la moindre décoration. Allaient-ils la faire patienter ici, le temps que le commandant Akihoshi ne décide de son sort ? Elle poussa un soupir et alla s'appuyer contre le mur, avant de ramener les genoux contre son menton.

Il faisait doux, mais son corps tremblait pourtant de froid, et ses dents claquaient. Peut-être était-ce l'appréhension...

Elle jeta un œil à la fenêtre et pesta en remarquant des barreaux en bois épais.

« Mon Dieu... Comment vais-je me sortir de là... ? »

« Que ferai-je si jamais ces hommes décidaient finalement de me tuer ? »

« Et en admettant que je sois libérée, où irais-je ? Je ne sais même pas où je suis... »

Fatiguée et lasse, les paupières de Megumi commencèrent à devenir de plus en plus lourdes. Ce n'était guère le moment de s'endormir, ces hommes allaient probablement revenir la chercher d'un instant à l'autre, mais la journée avait été si éprouvante qu'elle n'eut bientôt plus la force de lutter.

Alors elle s'endormit, l'esprit encore hanté par la vision de tous ces hommes morts sur le champ de bataille...

Megumi ? Retentit soudain la voix stricte de sa mère. Réveille-toi, tu vas être en retard pour ton cours d’anglais !

La jeune femme était épuisée.

Pour rien au monde, elle n'aurait voulu s'extirper de son sommeil, mais elle ne pouvait s'empêcher de sourire, heureuse comme jamais.

« Je le savais, ce n'était qu'un cauchemar... » se dit-elle en remuant dans son demi-sommeil.

Et j'espère pour toi que tu as réussi les tests trimestriels avec brio ! N'oublie pas que ton dossier devra être excellent à la fin du lycée !

- Oui... maman... Marmonna-t-elle d'une voix harassée.

Sa mère lui avait toujours répété sans cesse les mêmes paroles.

Elle souhaitait plus que tout faire d'elle une jeune femme accomplie, cultivée et douée dans tous les domaines.

C'était très pesant pour Megumi, mais après avoir subi un cauchemar pareil, entendre la voix de sa mère était un véritable bonheur.

« Mais... N'était-elle pas censée rester à l'étranger pendant plusieurs semaines ? » Songea-t-elle soudainement.

« Et... Depuis quand mon lit est-il devenu aussi inconfortable ? »

Une tension s'installa doucement en elle, au fur et à mesure que son esprit commençait à s'éveiller.

Elle reprit progressivement conscience du mur glacial et dur, sur lequel elle s'était installée. De cette odeur de bois légèrement humide...

Mais aussi de la douleur de ses poignets toujours liés et de ses pieds écorchés.

« Mon Dieu, non... »

Et pourtant, lorsqu'elle trouva enfin le courage d'ouvrir les yeux, elle se retrouva de nouveau dans la petite pièce sombre de son cauchemar.

« Mais alors... Ce n'était donc pas un rêve » réalisa-t-elle enfin, désespérée.

Une boule lui monta à la gorge et la jeune femme dut serrer les dents pour contenir les larmes qui commençaient à lui monter aux yeux.

- Mon Dieu... Mais que vais-je faire ?  Soupira-t-elle.

- Bien dormi ?

Megumi sursauta et un petit couinement de surprise lui échappa tandis qu'elle se tournait vivement vers le propriétaire de cette voix malicieuse. Elle ne l'avait pas remarqué, mais une petite lanterne avait été posée sur le sol, près de la porte, illuminant partiellement la pièce… Et juste à côté, une silhouette était appuyée contre le mur, les bras croisés.

Malgré l'obscurité, Megumi sut instinctivement qu'il s'agissait d'Hayate. Elle l'avait d'ailleurs deviné à la seconde où elle avait entendu le son de sa voix.

- As-tu encore perdu ta langue ? S'amusa-t-il.

Elle déglutit difficilement et détourna les yeux, le cœur complètement affolé. Depuis combien de temps la regardait-il dormir ?

- Je... Votre chef a demandé à me voir ?

La lanterne éclairait à peine son sourire mauvais.

- Pas encore. La réunion s'éternisait alors... J'ai envoyé les hommes qui gardaient ta porte se reposer un peu...

Megumi sentit aussitôt la peur lui nouer le ventre, en comprenant qu'ils étaient totalement seuls. Elle rapprocha ses genoux de son menton, dans un geste de protection et fixa le sol en s'efforçant de respirer tranquillement afin qu'il ne réalise ni son trouble ni sa terreur.

- Mais vous n'étiez pas obligé d'entrer, non ?

Sa question sembla beaucoup l'amuser, il s'esclaffa, mais discrètement, comme pour ne pas trop attirer l'attention sur eux. Elle prit son courage à deux mains avant de le regarder du coin de l'œil. Son air décontracté détonnait avec la lueur de menace qui scintillait au fond de ses prunelles. Il se détacha paresseusement du mur en se massant la nuque d'une main, et s'avança vers elle sans se défaire de ce sourire inquiétant. Megumi détourna aussitôt les yeux en retenant instinctivement son souffle, tandis que celui-ci franchissait la distance qui les séparait d'un pas tranquille.

« Mon Dieu, mon Dieu, par pitié, protégez-moi ! » S'alarma-t-elle.

Le jeune homme s'accroupit devant elle, les coudes contre ses genoux, alors Megumi releva les yeux vers les siens et se perdit dans la contemplation de son visage. Un visage fin mais viril et harmonieux. Un regard glacial, contrastant nettement avec ce sourire malicieux, amusé... et sadique.

Ce sourire étrange qui lui glaçait le sang autant qu'il lui chamboulait le cœur.

- Qu'est-ce que vous me voulez ? Osa-t-elle enfin demander, le souffle court.

Le sourire d'Hayate s'accentua. Il devint plus sombre, plus menaçant...

Le cœur de Megumi rata un battement lorsqu'il saisit doucement une mèche de ses longs cheveux. Sans la quitter des yeux, il enroula lentement la mèche autour de son doigt, puis autour de son poignet.

- Qu'est-ce que vous faites ? S'affola-t-elle dans un chuchotement, tandis que son geste la forçait à rapprocher son visage du sien.

- A ton avis... La tourmenta-t-il d'une voix rauque.

Une voix qui manqua de la faire défaillir.

- Non, je... Je ne vois vraiment pas... Bégaya-t-elle en appuyant ses mains liées contre son torse solide pour l'éloigner.

Il haussa un sourcil en se retenant visiblement de rire.

- D'ici quelques minutes, tu devras endurer un interminable interrogatoire, qui t’ennuiera assurément à en mourir, susurra-t-il en approchant encore son visage du sien. Et comme ils semblent tous se méfier de toi, je serais très étonné qu'ils te laissent vivre jusqu'à demain...

Megumi le dévisagea avec de grands yeux choqués, tandis que leurs nez se frôlaient presque.

- Alors, remercie-moi, continua-t-il dans un souffle, je m'apprête à t'offrir le dernier bon moment de ta vie...

Dans un soudain élan de courage, Megumi le repoussa brusquement de toutes ses forces, le forçant à la relâcher, et se leva vivement afin de mettre une distance entre eux.

- Ne vous approchez pas de moi ! rugit-elle.

Hayate la regarda d'un air facétieux lorsqu'elle s'adossa contre le mur, comme si ces deux malheureux mètres de distance allaient suffire à la sauver.

- Tu sais que tu es la première à repousser mes avances ? Lui lança-t-il en se redressant pour la rejoindre. Quoi que... ajouta-t-il en inclinant la tête sur le côté, un sourire taquin et cruel aux lèvres, elles réagissent toutes un peu comme toi au début... Mais après les avoir bien dressées, ce sont elles qui finissent par en redemander...

Megumi le fusilla du regard et s'écrasa contre le mur tandis qu'il s'approchait de nouveau un peu trop près d'elle.

- Vous devez me confondre avec votre monture, je ne suis pourtant pas bien grande, siffla-t-elle courageusement.

La tête d'Hayate se renversa en arrière tandis qu'il riait de bon cœur, visiblement très amusé par le répondant de la jeune femme.

Elle en profita pour se glisser sur le côté, en direction de la porte, mais il l'attrapa par le poignet, avant de la ramener brusquement contre le mur. La jeune femme se figea et leva des yeux craintifs vers son tourmenteur. Son sourire était plus sadique que jamais, et ses yeux verts, aussi glacials que l'hiver, la troublaient autant qu'ils l'effrayaient.

- Non... souffla-t-elle lorsqu'il saisit son menton entre ses doigts.

Son regard n'exprimait aucune pitié, elle était perdue.

- S'il vous plaît, non... supplia-t-elle en levant la main vers son poignet pour le forcer, en vain, à relâcher son emprise.

Mais il était déterminé…

Et lorsqu'il s'approcha de son visage, en souriant d'une manière cruelle, Megumi ferma ses yeux noyés de larmes, effrayée et résignée...

« Moi qui rêvais d'un premier baiser de conte de fée, avec l'amour de ma vie... Et voilà que je m'apprête à me le faire dérober par ce type tombé de nulle part… » 

 « Même si, pour le coup, c'est plutôt toi qui tombes de nulle part » lui rappela une petite voix.
La jeune femme était complètement accablée. Qu'avait-elle donc fait pour mériter cela ? Des larmes de rage roulaient sur ses joues tandis qu'elle attendait, les yeux clos, pendant un temps qui lui paraissait interminable... 

 Un silence lourd s'installa. 

 Lorsqu'elle réalisa qu'il ne l'avait toujours pas embrassée après de longues secondes, elle ouvrit les yeux, intriguée, pour constater qu'il se moquait royalement d'elle ! Son regard taquin la dévisageait, une lueur de triomphe scintillant dans ses beaux yeux verts. 

 - Je plaisantais, murmura-t-il en lui souriant, le regard aussi sadique que jamais. Qu'est-ce que tu espérais ? 

 Elle rougit comme une tomate et ouvrit la bouche, indignée, et prête à exploser lorsque tout à coup : 

 - Je me doutais que tu serais incapable de monter la garde sagement, retentit soudain une voix. 

Megumi sursauta et tourna vivement les yeux vers la porte. Elle le reconnut immédiatement malgré la pénombre. C'était le plus grand des trois hommes qui l'avait poursuivie dans les bois. Daisuke. 

 « Ah...Il a eu le temps... D'enterrer les morts et de revenir ? Combien de temps ai-je dormi ? » 

Celui-ci était appuyé contre le mur, au niveau du seuil de la porte et dévisageait Hayate d'un air contrarié. 

 - On n'a plus le droit de rigoler ? S'amusa-t-il, avant de se décider enfin à relâcher son menton.

Daisuke l’observa avec lassitude pendant un instant.

- Peux-tu aller prévenir Akihoshi que je la ferais venir, d'ici une dizaine de minutes ? dit-il d'une voix neutre malgré son irritation.

Hayate pouffa de rire. 

 - Ah ? Et pourquoi pas maintenant ? S'étonna Hayate, un sourire sardonique sur les lèvres. Si tu veux aussi ta part, attends au moins ton tour... 

 Daisuke leva les yeux au ciel avant de lui montrer avec lassitude la tenue soigneusement pliée qu'il tenait dans sa grande main. 

 - C'est pour lui laisser le temps de se changer. Je ne pense pas qu'elle soit particulièrement à l'aise dans cette tenue, et encore moins dans un endroit rempli d'hommes... 

 Malgré sa situation, Megumi ne put s'empêcher de se sentir profondément reconnaissante pour cette attention. Avoir passé toute une journée sous les yeux de tous ces hommes, en short moulant, avait été particulièrement malaisant. Même avec ce tee-shirt large si peu affriolant qu'elle portait sur le dos.

 Daisuke posa le vêtement sur le sol près de la lanterne avant de lever les yeux vers Megumi. 

 - Je reviendrai te chercher d'ici quelques minutes. Notre commandant aimerait t'interroger. 

Elle hocha la tête, puis se rappelant soudain de ses liens, leva vivement les poignets. 

 - Je... Je suis désolée, mais je... 

 Hayate sourit, visiblement amusé, comme toujours, puis, il saisit doucement l'un de ses poignets avant de sortir un poignard de sa ceinture.
Ce contact lui fit l'effet d'une décharge électrique, mais elle fit tout pour le cacher.
Il trancha la corde et rangea sa lame en faisant couler sur elle un regard malicieux : 

 - As-tu besoin d'aide pour te changer ? 

 Megumi le fusilla du regard.

 - Non, merci, je vais me débrouiller, siffla-t-elle entre ses dents, en se massant les poignets.

 - Hayate... l'appela Daisuke avec lassitude. 

 - Ça va, j'y vais, s'amusa-t-il avant de sortir enfin de la chambre, d’un pas lent et paresseux.

Il jeta un dernier regard provocateur vers la jeune femme et quitta la pièce. Daisuke le suivit de son regard blasé tandis qu'il s'éloignait dans le couloir, puis il reporta son attention sur Megumi. Elle s'attendait à devoir affronter son regard méfiant, avant de pouvoir enfin retrouver sa tranquillité, mais à son grand étonnement, le géant lui offrit un petit sourire confus. 

 - Je suis désolé, j'espère qu'il n'a pas eu le temps de te faire quoi que ce soit... 

 Elle haussa les sourcils avec étonnement avant de secouer la tête. 

 - N... Non, il... Il m'a seulement... un peu embêtée, balbutia-t-elle en rougissant de gêne. Rien de bien méchant...

Il soupira, visiblement exaspéré. 

 - Celui-là alors... marmonna-t-il. 

 Megumi comprit vite à son regard qu'il était habitué à voir Hayate se comporter ainsi avec les femmes. Elle n'était donc ni la première, ni la dernière qu'il prenait plaisir à tourmenter. Cette idée la vexait plus qu'elle ne l'aurait voulu... 

 - Enfin, soupira-t-il en commençant à refermer la porte. Je t'attends dans le couloir, préviens-moi lorsque tu seras prête. 

 - Euh...

Il rouvrit la porte et la regarda d'un air interrogateur. Megumi sentit son angoisse s'accentuer et chercha ses mots pendant quelques secondes. 

 - Est-ce que... Vous allez me tuer ce soir ?

 Il rouvrit légèrement la porte, le visage impassible.

 - Nous allons seulement t'interroger pour le moment, répondit-il simplement. Et s'il s'avère que tu es finalement une espionne, nous prendrons une décision. 

 Une panique insidieuse envahit soudain le corps de Megumi et elle déglutit difficilement.

- Je ne suis pas une espionne... dit-elle d'une voix étonnement calme. 

 Il haussa un sourcil, un léger sourire au coin de la bouche.

 - C'est drôle, ce n'est pas la première fois qu'un espion m'assure qu'il n'en est pas un. 

 Elle tressaillit.

- De plus, la zone avait été sécurisée avant la bataille, ajouta-t-il, personne n’était donc sencé se retrouver là...

 - Mais je... 

Elle s'interrompit, à cours d'argument, avant d'abandonner dans un soupir.

Évidemment, ce n'était pas en répétant ces mots encore et encore que ces hommes allaient la croire... Mais que pouvait-elle dire pour les convaincre ?
Un silence lourd s'écoula et elle baissa la tête en se mordillant la lèvre inférieure, les mains tremblantes. 

 - Ne t'inquiète pas, et contente-toi de dire la vérité, dit-il en commençant à refermer la porte. Mais uniquement la vérité... ajouta-t-il en la toisant du coin de l'œil, une lueur presque menaçante dans le regard. Si tu mens... Je le saurai. 

 Megumi le regarda fermer la porte derrière lui en retenant son souffle, le cœur battant à tout rompre.

Lorsqu'elle se retrouva enfin seule, elle poussa un soupir et se frotta le visage en pestant intérieurement. Elle ne pouvait plus se cacher indéfiniment derrière l'hypothèse que tout ceci était un rêve. D'ailleurs, elle n'avait plus le temps pour cela. Megumi ignorait où elle était tombée, mais ce n'était plus le moment d'y réfléchir. Sa vie était en jeu ! Daisuke lui avait « gentiment » fait comprendre qu'elle n'avait pas intérêt à mentir, mais comment leur expliquer d'où elle venait ?

 « Je ne vais tout de même pas leur dire qu'une vieille sorcière, ou une fée, je ne sais plus, m'a donné une bille magique qui m'a conduite jusqu'ici ! » 

 « Bon sang, si c'est vraiment un rêve, il faudra que j'en fasse un livre ! »

« C'est totalement surréaliste ! » 

 - Tu t'en sors ? S'enquit soudain la voix de Daisuke depuis le couloir, la sortant net de ses pensées.

 - Oh, euh, oui, oui, bégaya-t-elle en s'empressant de prendre la tenue qu'il avait laissée pour elle. Encore un instant, s'il vous plaît ! 

 Elle la déplia et découvrit un vêtement qui ressemblait à un kimono pour homme. La jeune femme l'enfila en s'attendant à le trouver trop long pour elle, mais elle eut la surprise de constater qu'il était parfaitement à sa taille. Une odeur de moisissure et d'encens vint lui chatouiller les narines et elle fronça du nez. 

 « Quand ils inventeront la machine à laver, et le sèche-linge, leurs vies vont changer » songea-t-elle.

 Soudain, elle marqua un temps d'arrêt en nouant sa ceinture, et son regard se perdit dans le vague. Ses oreilles se mirent à bourdonner et son cœur s'affola en se serrant d'angoisse. C'était la première fois qu'elle donnait un nom à ce qui lui était arrivé. Un voyage dans le temps. 

 - Seigneur... souffla-t-elle en plissant les yeux.

C'était difficile à admettre, mais tout laissait croire qu'elle avait fait un saut dans le passé. Megumi eut alors une pensée pour l’étrange animal qu'elle avait croisé dans les bois, ainsi que pour les « chevaux-lézard ».

Elle repensa également aux vêtements que les soldats portaient. La jeune femme n'avait jamais été particulièrement passionnée par ses cours d'histoire, mais elle n'était pas certaine d'avoir vu ce genre de vêtements dans les manuels, et encore moins dans les musées. Concernant les animaux, il s'agissait peut-être de races oubliées.

Ce n’était pas impossible, beaucoup d’espèces avaient disparu après tout...

 - Je... suis prête, annonça-t-elle en l'entendant s'agiter dans le couloir. 

 Daisuke ouvrit aussitôt la porte et lui fit signe de le suivre. Elle s'exécuta en s'efforçant d'avoir l'air le plus calme possible.

« Ça y est... C'est le moment ! » 

 Elle allait devoir s'expliquer et prouver qu'elle n'était pas une espionne. Mais comment ? Ils la prendraient pour une folle si elle leur disait la vérité. Ou une menteuse... Ce qui était parfaitement compréhensible. Qui croirait à une histoire pareille ? Elle-même avait peine à y croire...

Non, elle ne devait pas dire la vérité. Elle devait trouver un autre moyen. Mais lequel ? Il lui fallait du temps, et malheureusement, elle en manquait. 

 Lorsque Daisuke cessa soudain le pas, la jeune femme sortit net de ses pensées et leva un regard interrogateur vers lui. Il ouvrit une porte coulissante et lui fit signe d'entrer. La jeune femme déglutit difficilement, le cœur battant à tout rompre, puis, elle prit une inspiration pour se donner du courage et entra d'un pas hésitant. Hayate était adossé contre le mur, les bras croisés, et le regard ailleurs, mais les autres étaient assis autour d'une table rectangulaire, visiblement en pleine discussion. Akihoshi était en bout de table, le vice-commandant, Eisuke, à sa droite et Kenji à sa gauche. Ils interrompirent leur conversation et se tournèrent vers la jeune femme qui s'avançait vers eux en rougissant de gêne, les mains nerveusement emmêlées devant elle.

 - La voici, commandant, fit Daisuke en tirant la chaise pour placer Megumi à l'autre extrémité de la table. Je t'en prie. 

 La jeune femme s'y installa, un peu perplexe de voir ce Daisuke se comporter si poliment avec elle. Après avoir été traitée si brutalement par ces soldats à son arrivée au domaine, elle s'était préparée à beaucoup moins de bonnes manières. Surtout en sachant qu'ils la prenaient pour une ennemie... 

 - Bonsoir, tu es Minami Megumi, n'est-ce pas ? demanda Akihoshi tandis que Daisuke prenait place à son tour, près de Kenji. 

 Megumi leva la tête, et lorsqu'elle croisa le regard du commandant, la jeune femme sentit son cœur manquer un battement. Il ne semblait pas sévère, ses yeux laissaient d'ailleurs deviner une grande bonté, mais il avait une prestance qui l'intimidait.

Elle hocha timidement la tête.

- Et d'où viens-tu, ma petite ? Demanda-t-il gentiment.

Megumi tressaillit et fronça les sourcils, en tentant de contrôler son indignation.

- Je... Je ne suis pas petite, monsieur !

La jeune femme aurait voulu prononcer ces mots d'une voix un peu plus neutre, mais c'était plus fort qu'elle. Pourquoi tout le monde s'obstinait à l'appeler « Petite » ?

Certes, elle n'était pas bien grande, mais elle n'était pas non plus minuscule !

- Oh... Pardonne-moi, je ne voulais pas te vexer, se confondit-il en excuses.

- C'est une blague... ? Soupira Kenji avec lassitude, le regard lourd.

Megumi jeta un bref regard vers le jeune homme avant de reporter son attention sur le commandant. Il semblait si gêné de l'avoir offensée qu'elle ne pouvait s'empêcher d'avoir des remords.

- Non, marmonna-t-elle, embarrassée. C'est moi qui m'excuse, je ne voulais pas me montrer virulente...

- Non, tu as très bien fait et...

- Raaah, mais commandant, ne vous laissez pas endormir comme ça ! S'agaça soudain Kenji en tapant du poing contre la table avec impatience. Je ne la prenais pas au sérieux, mais là, elle vient de nous faire une brillante démonstration de ses talents ! Je n'ai plus aucun doute ! Cette fille est une espionne !

- Pas de conclusion hâtive, Kenji, fit calmement Daisuke.

- Hein ? Tu l'as bien vue, non ? Le commandant lui a demandé d'où elle venait, et cette fourbe a changé de sujet ! C'était un si joli coup que personne ne l'a vu à part moi !

- Quel talent d'enquêteur, Kenji ! S'amusa Hayate. Je n'y avais pas pensé moi-même.

- Qu... Hein ? Bégaya-t-elle en roulant des yeux affolés. M... Mais non, je...

« Oulah, ça se complique... »

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