Chaque seconde semblait une éternité, ses bras tremblaient sous la tension, ses mains moites menaçaient de lâcher prise.
Il ferma les yeux. Se concentrant de toutes ses forces pour ne pas flancher.
« Encore dix secondes ! » s'encouragea-t-il
« Les dernières, ensuite, tu pourras lâcher ! »
- C’est bon, je crois qu’il est suffisamment loin, chuchota Loki en devenant un peu plus visible dans l’obscurité.
Quand Hayate fut enfin certain que c’était le cas, il relâcha un peu la pression, mais pas celle de ses bras. Pas trop vite. Il ne pouvait pas se permettre de se précipiter. Les tremblements de ses membres étaient presque incontrôlables maintenant, et ses doigts menaçaient de se desserrer des branchages. Mais s'il lâchait prise, il n'allait qu'accentuer la douleur de sa cuisse.
Il attendit encore, juste pour être sûr, avant de se permettre de relâcher légèrement son emprise.
Son souffle se libéra en un soupir tremblant. La douleur dans sa cuisse était insoutenable, il devait se libérer rapidement avant que la perte de sang ne le rende trop faible. Avec une détermination farouche, il se redressa lentement, forçant sur ses bras tendus à l'extrême.
Il inspira profondément, visualisant le visage de Megumi pour se donner du courage.
Puis, d'un mouvement précis, il serra les dents et leva la jambe d'un coup sec, s'arrachant brutalement au pieu. La douleur fut si fulgurante qu'il ne put contenir un cri étouffé. Il serra les dents en grognant de douleur, avant de s'asseoir sur le tronc derrière lui, tout en pressant sa main contre sa plaie. Il sentit le sang chaud couler abondamment le long de sa jambe et tremper le tronc.
C’était une sacré blessure...
Merde, il allait avoir du mal à avancer avec ça.
D'autant plus qu'il n'avait rien pour se soigner.
- Par le Créateur, soupira Loki en se rapprochant, ça va aller ? Tu vas pouvoir continuer de marcher ?
Comme s’il avait le choix ! Il allait devoir faire avec !
Hayate pesta intérieurement en scrutant les alentours, avant de déchirer un morceau de ses vêtements. Il aurait été préférable d’utiliser un linge propre, mais malheureusement, il ne pouvait pas se permettre de faire la fine bouche. Sans perdre de temps, il l'enroula fermement autour de sa cuisse pour faire un garrot. Les conditions étaient loin d’être optimales, mais il devait stopper l'hémorragie sinon, il allait littéralement se vider de son sang. Il tira dessus avec force, serrant autant qu'il le pouvait pour stopper le flux de sang, puis il noua le garrot, en surveillant attentivement les saignements de la plaie.
Le tissu s'imbibait rapidement, mais au moins, le flux semblait ralentir. Parfait, il allait pouvoir continuer sa route. Avec précaution, il s’accrocha aux branches pour commencer à descendre du mur de végétation.
Sa cuisse hurlait de douleur, mais il n’avait pas le temps de s’y attarder. Son épaule et ses avant-bras agonisaient depuis un moment aussi, mais il n’y avait pas prêté attention pour autant.
Il valait mieux rester dans le déni pour l'instant.
Même si dans les moments comme celui là, il prenait conscience à quel point il avait été fracassé.
Le moindre mouvement lui arrachait une grimace de douleur, c’était insupportable.
- Tu y es presque, fit tout bas la voix de Loki, pour l’encourager.
Mais comme d’habitude, il n’y fit pas attention.
Il progressa lentement, les sens en alerte. En essayant d’ignorer les cris d’agonie de son propre corps. Et lorsqu’il se retrouva enfin au niveau du sol, il resta quelques secondes ainsi, par sécurité, avant de se décider à sortir. De l’autre côté du mur, cette fois.
Il avait été propulsé suffisamment profondément pour pouvoir y accéder de l’intérieur, et tant mieux, son estomac n’aurait pas supporté de traverser à nouveau ce chemin troué, puant et rempli du vomi de l’immondice qui était encore en train de le chercher partout.
- Je ne vois aucune trace de pas de ce côté, dit Loki en éclairant le chemin, Tu devrais peut-être passer par là…
Hayate lui jeta un regard blasé du coin de l’œil.
- Ce n’est pas parce que je ne suis pas passé par là que c’est forcément la bonne direction, guide de pacotille, marmonna-t-il.
- Certes, mais au moins, tu ne tomberas pas nez à nez avec le monstre qui te traque en ce moment ! Se défendit-il, manifestement vexé.
Hayate jeta un regard en arrière, puis devant lui. Il y réfléchit un moment en tapotant distraitement l'index contre sa cuisse.
C’était terriblement frustrant d’avoir un excellent sens de l’orientation et de ne pas savoir où aller. D’autant plus qu’il manquait de temps et que son instinct ne lui soufflait aucune direction en particulier. C’était comme avancer dans le noir complet.
À court d’idées, il décida finalement de suivre le raisonnement de Loki, même s’il aurait volontiers fait l’inverse juste pour l’embêter. Mais il n’était pas d’humeur taquine pour le moment. Il était bien trop inquiet pour Megumi, et sa rencontre avec sa mère était encore fraîche dans son esprit.
Sans parler des images de la boucle infernale qui lui venaient encore.
- Je vais t’éclairer le chemin, décida Loki en se plaçant devant lui, la sphère de plus en plus lumineuse.
Un peu à contrecœur, Hayate s’avança dans sa direction et un grognement de douleur lui échappa lorsqu'il posa le pied sur le sol.
Un grognement qui aurait pu être un hurlement s’il n’avait pas contracté la mâchoire par reflexe.
Merde, il s'était fait plus mal qu'il ne l'avait cru !
- ça va ? S’inquiéta Loki, Tu peux marcher ?!
Putain de merde, comme s’il avait le choix ! Il allait bientôt arrêté avec ses questions stupides ?!
Il fit un pas de plus en grognant, sans lui adresser un regard. Puis un autre.
Il prenait sur lui pour encaisser la douleur et rester le plus silencieux possible, mais c’était si difficile.
A chaque fois que son pied touchait le sol, une nouvelle décharge de douleur remontait le long de sa jambe, irradiant dans tout son corps. Le sang continuait d'imbiber son garrot, sa vision se brouillait par moments. Il devait se concentrer sur sa respiration, inspirant et expirant profondément pour rester conscient.
Il avait envie de vomir...
S'il avait eu quelque chose dans l'estomac, il serait déjà en train de se vider les tripes sur le sol.
Lorsque la douleur devenait insupportable, Hayate s'appuyait contre les parois du labyrinthe pour éviter de tomber. Chaque pas lui faisait l'effet d'un coup de poignard, il devait régulièrement faire des pauses, de deux ou trois secondes au moins pour ne pas s’écrouler.
La lumière de Loki, focalisée sur son chemin, l'aidait à ne pas constamment regarder sa cuisse blessée. Il avait l’impression que la plaie s'ouvrait davantage à chacun de ses mouvements.
Étrange, lui qui tolérait plutôt bien la douleur d'habitude, cette fois, il peinait à respirer tant la souffrance était intense.
Ses jambes tremblaient, son corps tout entier luttait pour ne pas céder sous l'agonie. Il avait soif. Il avait chaud.
Plus que chaud. Il se sentait fiévreux.
Merde…
Ne me dites pas que...
- La végétation est empoisonnée ? marmonna-t-il d’une voix éraillée, l’esprit de plus en plus confus.
La sphère se tourna vers lui.
- Pas à ma connaissance, non… Pourquoi ?
Hayate secoua mollement la tête.
Manifestement, il manquait d'information.
Il se demanda encore pourquoi ce faiblard insistait tant pour l'accompagner. Il ne lui servait vraiment à rien.
- Pour rien...
Mais il dût lire dans son esprit encore une fois, car la sphère trembla légèrement et Loki soupira :
- Par le Créateur, il ne manquait plus que ça... Tu vas pouvoir combattre tout de même, en cas de problème ?
L'impatience gonfla dans sa poitrine et il râla d'une voix rendue rocailleuse par la fièvre :
-Arrête de me demander toutes les deux minutes si je peux ci ou ça, j'ai juste pas d'autre choix que de continuer, bordel de merde !
Alors qu'il marchait, il remarqua soudain un chemin du labyrinthe à sa droite. Il n'avait pas vu venir cette ouverture dans l'obscurité, même avec l'éclairage de la sphère. Un grognement attira son attention, et son cœur manqua un battement. Il eut à peine le temps de tourner la tête et de reconnaître la silhouette de l'énorme ver à travers la brume qu'il plongeait déjà dans le mur du labyrinthe.
Merde ! Merde !
La créature se tourna soudain vers lui avec un grognement interrogateur et un long silence s'écoula, tandis qu'Hayate essayait de bloquer sa respiration et de se figer comme une statue.
Loki avait également eut la présence d'esprit de supprimer sa lueur. A présent, il ne ressemblait plus qu'à une bulle de savon, à peine visible dans l'obscurité.
« Casse-toi, casse-toi... » Marmonna intérieurement Hayate en fixant la créature du coin de l’œil, à travers la végétation.
« Dégage... »
Mais le monstre fit soudain demi-tour pour ramper dans sa direction.
Hayate ferma les yeux de lassitude.
Bordel de merde, comme s'il avait du temps à perdre avec ces conneries ! Il avait envie de hurler de frustration. La fièvre l'assommait et le vidait de son énergie. Sa cuisse le brûlait comme si une flèche de feu était constamment plantée dans sa chair.
Il devait se concentrer pour essayer de trouver son chemin. Se méfier de tous ces revenants en quête de vengeance. Faire gaffe à ce monstre qui avait manifestement décidé d’en faire son quatre heures.
« Bordel de merde, mais je suis maudit ou quoi ?! »
C’était comme si le destin s’acharnait sur lui ! C’en était trop !
« Qu'on me laisse respirer, putain ! »
Il prit une vive et profonde inspiration pour tenter de calmer son esprit. Et d'apaiser sa fureur.
Il devait se focaliser sur la dissimulation de son aura. Il ne devait pas le laisser le trouver !
La créature passa tout près de lui, son souffle putride soulevant la végétation autour.
Hayate se figea, les lèvres serrés, ses sens en alerte maximale.
« Casse-toi, putain... » marmonna-t-il intérieurement en le regardant s'éloigner.
« Casse-toi. Plus vite que ça !»
Soudain, Hayate tressaillit lorsqu'une poigne timide dont il n'avait pas senti l'approche, se posa sur son bras.
A suivre...