- Désolé de te décevoir, mais j’ai pris une résolution.
Devenir quelqu’un de bien. Pour elle.
- Et je n’ai pas l’intention de la gâcher en tuant ma propre mère une deuxième fois.
Il l'entendit cesser de marcher, retenir son souffle, puis pousser un soupir brisé. Elle était en souffrance. Totalement en souffrance. Il n’avait pas besoin de la regarder pour le comprendre.
La douleur qu’elle émanait emplissait l’air autour d’eux, palpable et lourde. Mais malgré tout, il ne ressentait toujours rien. Aucun élan de compassion, aucune envie de soulager sa peine. Rien. Il était comme anesthésié, détaché de cette partie de son passé.
Il ne voulait pas que son agonie se poursuive éternellement, c’est vrai, mais il n’avait pas envie de l’aider non plus. Il ne voulait simplement plus rien avoir à faire avec elle. C’était du passé. Une part sombre et douloureuse de son histoire qu’il souhaitait laisser derrière lui. Il voulait simplement avancer, tourner la page, et se concentrer sur l'avenir qu'il espérait construire.
Alors il agita la main, avec nonchalance.
- Allez, repose en paix, va, marmonna-t-il. Bye...
Puis, il tourna à l’angle du labyrinthe, d’un pas tranquille, sans ressentir la moindre envie de se tourner une dernière fois vers sa mère.
Et alors qu’il continuait d’avancer, une question s’insinua dans son esprit : Était-il en train d’agir en égoïste ?
Avait-il accepté de se pardonner simplement parce que cela l’arrangeait, tout en étant incapable d’offrir ce même pardon à sa mère ?
Cette pensée résonna longuement en lui comme un écho persistant. Et il se demanda subitement si cette incapacité à pardonner ne faisait pas de lui un hypocrite.
Aurait-il dû lui donner son pardon ?
Avait-elle aussi droit à une chance de rédemption ? La question resta suspendue dans son esprit, remuant ses pensées et ses émotions.
-Hayate, attention ! l'interpela Loki, le sortant de ses pensées.
Il bloqua l'attaque d'un autre spectre du passé, qui avait tenté de l'attaquer par derrière. Puis il le projeta vers l'avant tout en contrant l'attaque de deux ennemis de plus. Des visages dont il ne souvenait pas, mais qu'il avait pourtant tués de ses mains.
Il les élimina, un à un, sans s'attarder, tout en continuant à débattre intérieurement avec ces réflexions sans réponses.
Il se demandait si, en refusant de pardonner à sa mère, il ne s’était pas condamné à porter ce fardeau pour toujours. Peut-être que la véritable rédemption ne viendrait que lorsqu’il serait capable de pardonner à celle qui l’avait le plus blessé.
Mais il avait beau fouiller dans son cœur, il n'en éprouvait pas la moindre envie. Il ne voulait pas lui pardonner. Il ne pouvait pas pardonner le fait qu'elle avait fait de lui un monstre. Un monstre qui avait blessé la seule qui comptait pour lui.
Et il n'avait pas non plus envie de remuer la poussière qui s'était accumulée sur ce dossier qu'il avait fermé et classé depuis longtemps.
C'était beaucoup trop loin. Beaucoup trop lourd.
Beaucoup trop grave.
Tant pis si c'était égoïste de sa part. Il ne comptait pas revenir là-dessus. Il avait pris la décision de se pardonner pour avancer, pas pour s'encombrer de l'idée de pardonner ensuite à celle qui l'avait détruit.
La guérison, certes, pouvait venir du pardon, mais il croyait fermement que tout n'était pas pardonnable ! Alors, lorsqu'il fut débarrassé du dernier de ses agresseurs en quête de vengeance, il poursuivit sa route en claquant intérieurement cette porte du passé qu'on lui avait ouverte de force.
Il la claqua bien fort, de toutes ses forces, puis il la verrouilla fermement, déterminé à ne plus jamais y repenser !
De toute façon, ce n’était guère le moment.
C’était pour Megumi qu’il était là. Pour la ramener avec lui.
Pas pour poursuivre la thérapie qu’il avait commencé quelques années plus tôt.
- Hayate, je pense que tu devrais revenir un peu en arrière et prendre un autre chemin, conseilla Loki, j'ai l'impression que nous tournons en rond là...
Hayate sortit de ses pensées et posa un regard vide sur le sol abimé au loin.
De la fumée noire et nauséabonde s’en dégageait.
Merde, il avait raison, c’était le trou qu’il avait traversé en sautant juste avant.
Il s'était perdu !
- Putain, marmonna-t-il en passant sa main dans ses cheveux.
Et dire qu'il s'était toujours vanté d'avoir un sens de l'orientation hors du commun...
Bordel...
Il en avait assez de ce maudit labyrinthe !
Il avait l’impression d’y être depuis des semaines ! Il avait mal partout, il avait soif, il était à bout de force… Et Megumi l’attendait depuis bien trop longtemps.
C’était en train de le rendre fou.
Il devait vite sortir de ce putain de labyrinthe ! C’en était trop !
S’il le pouvait, il brulerait tout pour sortir plus vite !
- Attends, ne t’énerve pas ! Prenons un moment pour…
- Rah, ta gueule, tu m’empêches de réfléchir, le coupa-t-il, avec virulence.
Loki laissa échapper un hoquet de stupeur.
- Par les cieux, mais tu mériterais que je te laisse te débrouiller seul !
- Mais va, mon grand, va, railla-t-il en posant sur lui un regard moqueur, Ce n’est pas comme si tu me servais à grand-chose, hein !
- Mais… Quel ingrat ! Pesta-t-il entre ses dents, c’est grâce à moi que tu as pu sortir du tunnel, tout à l’heure !
- Ouais, le tunnel que TU m’as demandé d’emprunter, lui rappela-t-il, sans tes précieuses indications, j’aurai continué tout droit, j’aurais buté le cracheur de flamme et je n’aurais pas eu à me péter l’épaule!
- Parce que tu penses que tu l’aurais battu ?! Bégaya-t-il, je te signale qu’il est…
- Attends, chut. L’arrêta-t-il soudain.
- Mais je suis…
- Bordel, mais chut ! s’énerva-t-il à voix basse.
Loki s’arrêta à contrecœur en comprenant que quelque chose n’allait pas. L’instinct d’Hayate s'était éveillé, une tension palpable imprégnait l'air.
Quelque chose de sombre et de menaçant.
Hayate se mit à regarder autour de lui, ses sens en alerte.
Puis, il perçut une vibration sourde sous ses pieds, un grondement montant des profondeurs de la terre. Le sol trembla légèrement, puis de plus en plus fort. Un frisson glacé lui parcourut l’échine alors qu’il comprenait.
-Merde, souffla-t-il en commençant aussitôt à courir.
Mais il était trop tard.
D'un coup, sans avertissement, L'énorme ver, couvert de plis et de dents acérées, surgit du sol, sous les pieds d’Hayate, dans un fracas assourdissant. Avant qu'il ne puisse réagir, il se retrouva projeté dans les airs, aspiré directement dans la gueule béante de la créature. Son corps tourbillonna, ricochant contre les parois visqueuses et nauséabondes de sa gorge.
« Merde ! Merde ! »
Il se débattit de toutes ses forces, cherchant désespérément un point d'ancrage dans cette obscurité suffocante.
Lorsque ses mains trouvèrent une masse charnue et glissante, il s’y agrippa comme un naufragé s’accrocherait à une bouée de sauvetage. Mais c’était si lisse et trempé que ses doigts glissaient. Il allait lâcher prise et se retrouver dans l’estomac de ce monstre.
Non ! Bordel de merde, il n'avait pas fait tout ce chemin pour rien ! Il en était hors de question !
Le visage de Megumi se bousculait dans son esprit alors qu’il s’accrochait en grognant sous l’effort. La puanteur était insupportable, chaque inspiration lui brûlait le nez et les poumons.
Il devait se sortir de là ! Hors de question de finir dans l'estomac de ce putain de monstre !
Il planta ses ongles dans la masse de chair en grognant, à s’en déchirer la gorge, et la créature poussa soudain un son monstrueux en s’agitant brusquement dans tous les sens. Hayate lâcha prise avec un juron et se retrouva brutalement contre sa langue, puis contre les parois de sa gueule, avant de glisser à nouveau vers le fond de sa gorge. Cherchant une prise à toute allure, il retrouva à nouveau la luette de la créature, par chance.
Il s'y accrocha de toutes ses forces en évitant de regarder vers le fond de la gorge. S'il tombait là-dedans, c'était clairement foutu !
Bordel, il devait sortir de là et vite !
Il n’allait plus tenir très longtemps, sa gueule était en l'air, ce monstre essayait visiblement de l'avaler, et il était impossible pour Hayate d’escalader les parois de sa gueule pour essayer de sortir. Il n'y avait aucune prise et c'était beaucoup trop glissant. Lorsqu'il planta à nouveau ses ongles dans la luette et que la créature gronda à en faire trembler son corps, il songea brusquement qu'il s'agissait à priori d'une zone sensible. Alors, sans hésiter, il ouvrit la bouche et mordit dans la chair spongieuse et puante, arrachant difficilement un morceau saignant avec une grimace de dégoût.
Le ver géant réagit immédiatement. Un violent spasme secoua son long corps, et un rugissement guttural résonna à travers ses entrailles. La créature toussa avec fracas, projetant brutalement Hayate hors de sa gueule.
Il percuta l’un des murs du labyrinthe si fort qu’il se retrouva au milieu de la végétation. Il chuta à toute allure à travers les branches entremêlées, se cognant durement à plusieurs reprises contre les troncs.
Il essaya de se rattraper, de trouver une prise, mais la vitesse de sa chute le dépassait, et chaque tentative ne faisait que relancer la douleur à son épaule.
Soudain, une branche épaisse et pointue traversa brutalement sa cuisse, s'enfonçant profondément dans sa chair, et l’arrêtant net dans sa chute.
Un grognement de douleur lui échappa, et il ravala difficilement un cri tout en posant un regard enragé sur sa plaie. Le bout de la branche, épaisse comme un manche à balai, ressortait au-dessus de sa cuisse, chaque mouvement envoyait une vague de douleur dans tout son corps, le sang dégoulinait. La douleur était atroce !!
« Putain de merde !! »
Il serra les dents pour contenir les jurons de douleur qui se bousculaient dans sa gorge, et jeta un œil au monstre qui vomissait à quelques mètres à peine de lui. Un torrent de débris, de chair et de morceaux de corps aux couleurs bleues et rouge vif se déversait sur le sol jonché de trous.
L'odeur était abominable.
Même pour lui, qui avait toujours eu l’estomac bien accroché, il devait se concentrer pour ne pas vomir. La puanteur mêlée à la douleur de son corps lui donnait le tournis.
Coincé, il poussa un grognement en tentant de s’accrocher aux branches autour de lui pour empêcher le pieu de s’enfoncer davantage dans sa jambe. Il devait se retirer d’un coup net, mais ce n’était pas le moment, la créature regardait partout en poussant des hurlements de rage. Il devait rester silencieux. Elle ne devait pas le repérer.
- Hayate ? Chuchota soudain la voix de Loki, au niveau de son oreille, Hayate ? Par notre Créateur, tu es blessé !
Il lui jeta un regard noir, lui intimant de garder le silence. Heureusement, il avait eu la présence d’esprit d’annuler la lumière de la sphère. Il arrivait à peine à le distinguer dans la pénombre.
La bête poussa un nouveau grognement de frustration et Hayate le regarda en retenant son souffle. Ses mains tenaient fermement les branches autour de lui.
Comme lorsqu’il prenait quelqu’un ou un animal en chasse, il fit en sorte de dissimuler son aura, de se fondre totalement dans la végétation. Il régula sa respiration, ralentissant les battements frénétiques de son cœur.
Il devait se rendre invisible aux sens de la créature.
Mais avec un pieu dans la jambe, une épaule en miette, et une violente nausée, il était compliqué de rester silencieux. Il n’allait pas tenir très longtemps.
La créature fouillait les alentours, rampant le long du couloir en poussant des sons saccadés. Manifestement, elle souffrait encore du morceau de chair qu’il lui avait arraché. La colère alimentait sa détermination à retrouver sa proie.
Hayate pinça les lèvres, les muscles contactés alors que le ver passait devant lui. Il suivit ses mouvements du coin de l’oeil, à travers les branches du murs. Ses mouvements brutaux secouaient la terre et la végétation autour de lui. Hayate agrippa les branches avec plus de force, se crispant de douleur lorsque le pieu remua dans sa chair.
La créature s'immobilisa soudainement, cessant net d’avancer. Hayate retint son souffle.
Il sentait la sueur perler sur son front, son cœur battre à tout rompre. Bordel, il allait se trahir.
Il ferma les yeux pour tenter de conserver son calme alors que le ver passait à nouveau devant lui.
Bordel, il avait envie de sortir de sa cachette et de lui trancher la tête, mais il ne pouvait rien faire sans arme. Et il aurait été inutile d’essayer d’en dérober une à ces soldats en quête de vengeance, car elles se changeaient en poussière à l’instant même où il les tuait.
Il n’avait pas le choix. S’il voulait s’en sortir, il allait devoir limiter les interaction avec cette bête.
Il devait fuir… comme un putain de couard.
Il se retint de soupirer et ferma les yeux pour rester concentré. Il ne devait pas se faire repérer.
Il devait maintenir cette position le temps que la bête reparte.
Il devait penser à quelque chose d'agréable. N'importe quoi. Et sans surprise, ce fut le visage de Megumi qui lui vint à l'esprit. C'était presque devenu instinctif maintenant. Il se remémora son rire. La façon dont elle levait les yeux au ciel en s'esclaffant lorsqu'il la charriait. La façon dont elle cachait son adorable bouche derrière ses mains lorsqu'elle partait en fou rire. La façon dont sa petite fossette se creusait dans sa joue...
Il s'accrocha à tous ces petits détails, à ces images, à ces sensations, comme à un ancrage. Le sang continuait de couler, la douleur était si atroce qu'il se sentait partir par moments. Son esprit sombrait, s'égarait dans les bras de Megumi. À un point qu'il se perdit entre le rêve et la réalité le temps d'une seconde. Heureusement, son corps n'avait manifestement pas besoin de lui. Il continuait de tenir bon, ses poings fermement verrouillés aux branchages.
Il cligna des yeux, et secoua mollement la tête pour s'efforcer de reprendre conscience. Non, il devait rester concentré. Ce n'était pas le moment de se laisser aller. Il respira profondément, mais discrètement, se concentrant sur l'odeur de Megumi, pour oublier cette puanteur insupportable qui menaçait de le faire vomir.
La créature poussa quelques grommèlement. Et Hayate ravala un soupir de soulagement lorsqu'il sentit les vibrations diminuer, à mesure qu'elle s'éloignait.
Enfin, elle se décidait à le chercher plus loin !
Il y était presque !
Un peu de courage ! C'était la dernière ligne droite!
Chaque seconde semblait une éternité, ses bras tremblaient sous la tension, ses mains moites menaçaient de lâcher prise. Il ferma les yeux, prenant sur lui pour ne pas flancher.
« Encore dix secondes ! » s'encouragea-t-il
« Les dernières, ensuite, tu pourras lâcher ! »
A suivre...
Désolé hein mais comment ça se fait qu'il soit encore capable de tenir debout ?
Ce ver géant c'est vraiment mais VRAIMENT ma créature de cauchemars, comme les vers géants dans Dune, eurk eurk, je les aime paaaaaaaaaaas, franchement à la place d'Hayate je me serais pissé dessus et je serais morte d'une crise d'asthme due au stress 🤣