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Chapitre 87 (Exclu VIP)

Hayate cligna lourdement des yeux. Une fois. Deux fois. Puis il les plissa. En reprenant difficilement mais lentement son souffle. Son cœur s'était arrêté, juste un instant, avant de reprendre ses battements, à toute vitesse. Son corps s’était figé.


Ses muscles étaient tendus, son esprit engourdi par l’incrédulité.

Son sang s’était comme glacé sur le coup.


Etrange.


Pourquoi était-il si surpris ?


Il était pourtant évident qu'il allait tomber sur elle. Il l’avait tué de ses propres mains, comme tous les types qu’il avait croisé dans ce labyrinthe.

Il n’avait donc aucune raison de l’être.


Pourtant, il l’était.


Enormément.


Il n’arrivait même pas à le cacher. Son regard rond le trahissait. Tout comme le bruit saccadé de sa respiration.


« Putain... J’en ai marre» jura-t-il intérieurement en s’efforçant de se reprendre.


Il se sentait si épuisé tout à coup…

Il ferma brièvement les yeux, et soupira par le nez avant de se redresser en posant à nouveau le regard sur celle qui l'avait mis au monde.

Sa mère.

Celle qui l'avait brisé à l'aube de sa vie.

Celle qu'il avait tuée de ses propres mains alors qu'il n'était encore qu'un enfant.


Celle qui avait implanté en lui les graines de la folie, de la haine, du désespoir.


Qui avait détruit son innocence, écrasé son esprit, brisé son cœur.

Qui avait fait de lui un monstre.

Ce même monstre qui avait détruit Megumi...


Oui. La responsable de ce qu’il était devenu, était malheureusement bien devant lui.

Et cette fois, il ne s'agissait pas d'une illusion.


Elle portait une tenue traditionnelle. Une robe verte simple et fluide, la même qu'elle portait cette nuit-là. Le tissu, autrefois éclatant, était désormais marqué par le temps, décoloré et déchiré par endroit. Comme rongé par les insectes. Des taches noires intenses, semblables à de l’encre de chine maculaient sa robe et sa peau. Il était étrange de constater que, si le temps semblait avoir ravagé sa tenue, il n’avait pourtant pas eu le même effet sur son visage. Comme si les années n'avaient fait que prolonger son tourment sans jamais altérer son apparence. Ses cheveux, relevés sur sa nuque, laissaient son visage exposé. Un visage jeune, mais tiré, profondément marqué.

Ce visage, si semblable au sien qui le terrifiait autrefois, était à présent levé vers lui, totalement dénué de cette autorité terrifiante qu'il avait gardée en mémoire. Son regard, autrefois perçant et hautain, était désormais totalement vide, brisé, empreint d'une douleur enfouie.


Il n'y voyait ni haine, ni malice, ni perversité. Seulement une immense détresse. Grondante, et glaciale.

Une expression de désespoir qu'il ne lui avait encore jamais vu.


Manifestement, à l’instar d’Aku, son âme n'avait pas trouvé le repos dans la mort, loin de là.

Elle semblait revenir du pire de tous les cauchemars.

Du pire de tous les tourments.


Ce qui n’était pas vraiment une surprise.

Cependant, contre toute attente, Hayate n’en tira aucune satisfaction.

Ni aucune tristesse non plus d'ailleurs.


Il se sentait au contraire étrangement indifférent.


C'était comme si son cœur avait cessé de fonctionner. Il ne ressentait rien de particulier.

Absolument rien.

A part cet étrange vide…


Peut-être était ce dû au choc. Il ne s'était pas du tout préparé psychologiquement à tomber sur elle.

Peut-être que ses véritables réactions allaient arriver plus tard.

Qui sait… ?

En tout cas…

Cela lui faisait un étrange effet de la voir à travers son regard d’adulte.


Il était désormais bien plus grand qu'elle, et elle ne lui semblait plus aussi effrayante, ni aussi forte qu'autrefois. Elle était mince, plutôt grande pour une femme, mais pas autant qu'il se l'était toujours imaginé. Elle paraissait fragile, vulnérable, à mille lieues de la figure d'autorité monstrueuse qu'il avait gardé en mémoire.


Pourtant, ses propres poings tremblaient et se fermaient tout seuls. En continue.

Il tremblait si fort qu'il devait contracter la mâchoire pour ne pas claquer des dents.


Il lui fallut un moment pour sortir de cette transe et comprendre la nature de ses tremblements.

Ce n’était pas de la peur. Encore moins de l'appréhension.

Ce qu’il ressentait, c’était de l’indignation !

Une profonde indignation. Si intense qu'elle lui rongeait les tripes.

Il en avait la chair de poule.


Comment… ?


Comment osait-elle le regarder de cette manière ?


Après tout ce qu'elle lui avait fait ? Comment pouvait-elle le regarder maintenant avec tant de… regret ?

Son regard vert brouillé par les larmes le dévisageait avec tant d’affection, tant de mélancolie, tant de douleur.


Pourquoi ?


Pourquoi maintenant ?


Il aurait mille fois préféré la voir aussi terrifiante qu’autrefois ! Cela aurait été bien plus supportable de la voir semblable à ses souvenirs. Froide. Cruelle. Détraquée.

Oui, beaucoup plus simple !


La voir ainsi, ravagée par des émotions qu'il ne lui avait jamais connues, le perturbait. Ce regard brisé, ces yeux qui semblaient lui demander pardon, c'était presque trop à supporter.

Il avait envie de hurler. De lui crever les yeux pour l’empêcher de les poser à nouveau sur lui.

Il ne voulait pas de ses regrets! Il ne voulait pas de son pardon ! Il ne voulait pas de son affection! Il ne voulait plus rien d’elle !


Absolument plus rien !


-          Ha… ya… te, souffla-t-elle, d’une voix enrouée, comme si elle n'avait pas prononcé un seul mot depuis des lustres. Mon... fils…


Son dernier mot se brisa. Comme si lui-même n'avait pas envie d'être prononcé par cette bouche gercée.

Cette maudite bouche qui lui avait susurré des « je t’aime » écœurants, en l’embrassant comme s'il était son amant.

Il ferma vivement les yeux, et contracta la mâchoire pour réprimer sa soudaine nausée. Bordel, s’il avait eu quelque chose dans l’estomac, il serait déjà en train de vomir...


« Arrête... »


« Calme-toi »


« Reconcentre-toi ! »


Son esprit était à l’envers. Tout était sens dessus dessous, c'était un véritable chaos.

Une part de lui-même avait toujours désiré cette confrontation, pour avoir des réponses. Mais il s'agissait d'une part ridiculement minime comparé au reste, qui ne voulait plus rien savoir d’elle.


Il était beaucoup trop tard pour avoir des explications. Beaucoup trop tard pour réparer quoi que ce soit entre eux.

Le mal était fait.


Et il ne pouvait s'empêcher d’imaginer la vie qu’il aurait eue, si elle n’avait pas fait de lui cet homme démoli et traumatisé qu’il était devenu.

Si seulement il avait grandi dans un environnement sain, il aurait été un homme bien différent. Un homme plus équilibré, plus confiant. Dès leur première rencontre, à la seconde où son cœur s'était emballé lorsqu’il avait posé les yeux sur Megumi, il aurait tout fait pour la conquérir. Il n’aurait pas pris peur. Il n’aurait pas tout gâché comme il l’avait fait.


Il l’aurait rassurée, l’aurait emmenée en balade. Ils auraient été regarder les étoiles toutes les nuits. Il lui aurait offert des cadeaux, l’aurait couverte d’attentions. Il l’aurait protégée des dangers, aurait été son refuge, son réconfort. Il aurait été un roc, un pilier sur lequel elle aurait pu s'appuyer.


Mais malheureusement, la réalité était bien différente.

Ses peurs, ses insécurités, ses traumatismes avaient empoisonné leur relation dès le départ. Il n'avait fait que la rejeter, la blesser, la retenir, la blesser encore, et la rejeter à nouveau… Un cycle sans fin.


Il se souvenait de tous ces moments où il l'avait rendue folle de rage et de chagrin, il se souvenait de ses larmes. De toutes ces fois où elle avait tenté de le comprendre, de l'aider, malgré tout ce qu'il lui avait fait subir.

Malgré toutes ses tentatives pour la repousser, elle n'avait jamais cessé de se battre pour lui, quitte à s’y brûler.

Bordel, il se revoyait encore lui rire au nez alors qu'elle le regardait de ses grands yeux larmoyants et inquiets. Il lui avait fait tant de mal…


En ce moment, il travaillait sur le pardon, alors il n’avait pas envie de se dire qu’il se haïssait pour chaque larmes qu’elle avait versé à cause de lui. Il n’avait plus envie de s’entendre prononcer ce genre de parole. Il voulait avancer ! Pour elle ! Mais aussi pour lui !


Par contre, même s’il était d’humeur clémente depuis son arrivée au labyrinthe, il n’avait pas la moindre intention d’en faire profiter cette femme.

Elle était la seule et unique responsable de tout ce gâchis. S’il était détraqué, c’était à cause d’elle ! S’il n’arrivait pas à dormir la nuit parce que son esprit ne pouvait s’empêcher de rester en alerte, c’était à cause d’elle ! S’il avait fait souffrir Megumi, c’était à cause d’elle !

Tout était à cause d’elle !


Absolument tout était de sa faute !


Peut-être que Megumi lui aurait dit que pour sa propre paix intérieure, il devrait se libérer de sa haine et pardonner, mais il en était hors de question. Il n’en avait ni l’envie, ni la force.


« Tout n’est pas pardonnable »


Et ce que cette femme lui avait fait, n’était pas pardonnable.


-          Hayate ? L'interpella la voix de Loki à voix basse le sortant net de ses pensées.


Il se raidit, le regard ailleurs, puis, il jeta un coup d’œil absent vers lui avant de regarder autour de lui. Pourquoi s'était il arrêté de courir ? Réalisa-t-il. Megumi l’attendait, bordel de merde ! Pourquoi laissait-il tout et n'importe quoi le retarder ?!


Il contracta la mâchoire deux fois plus fort, puis il détourna la tête et repris sa route.


Manifestement, elle ne comptait pas l’attaquer. Très bien. Aucune raison de s’attarder davantage alors !

Il passa devant sa mère, le regard froid, sans lui accorder la moindre attention.

-          Ha… ya…t…


Sa voix cassée et étouffée l’appela dans son dos.

Il fit mine de ne pas l'avoir entendu au départ, mais elle l’appela une seconde fois, d’une voix désespérée. Urgente.

Alors il tourna le visage vers elle, la mine agacée.


- Tu m’veux quoi ? J’ai pas le temps, lui dit-il d’un ton hautain, aussi froid que la glace.


Une lueur passa dans son regard vert ravagé par la douleur, puis elle jeta soudain un poignard à ses pieds.


Hayate le regarda sans comprendre pendant un instant, avant de relever ses yeux sombres vers elle.

La détresse dans son regard avait grandis. Ses yeux brisés le suppliaient. Ils réclamaient l’expiation.

Et il comprit en la regardant qu'elle cherchait avant tout à se débarrasser de sa propre culpabilité.

Son regard l’implorait. Le suppliait de lui faire payer ce qu’elle lui avait fait.


Manifestement, elle s'était trouvé une conscience en passant du côté des morts.

Tant mieux pour elle.


Il vaut mieux tard que jamais.


Cependant, il était trop tard.


Beaucoup trop tard.


Alors il fixa la lame, scintillante dans la pénombre, de son regard sombre avant de relever les yeux vers son visage.

Elle n’avait pas changé. Son visage était toujours si ovale, sa peau n’avait pas prit une ride, ses yeux étaient toujours aussi vert, son allure était toujours aussi féminine. Et pourtant, il avait encore un peu de mal à la reconnaitre. Elle ne l'avait pas habitué à tant de vulnérabilité. Elle tremblait comme si elle ne pouvait même plus supporter l'idée de sa propre existence.


Hayate scruta ses sentiments en la dévisageant pendant un instant, et il se sentit presque déçu en restant de marbre face à son air misérable.


Il aurait voulu ressentir quelque chose. Un pincement au cœur. Un peu de compassion.

Cela aurait été la preuve qu’il commençait à changer. Mais il avait beau la regarder, il ne ressentait qu’un grand vide. Rien d’autre...


Sa surprise étant passé. Il ne restait à présent plus rien...


Il battit des paupières et baissa à nouveau les yeux vers la lame qui attendait à ses pieds.


Il savait ce qu’elle attendait de lui.

Elle voulait qu’il la fasse payer. Qu’il la tue à nouveau, en faisant durer le supplice cette fois. Pour expier ses fautes et trouver enfin la paix.

Mais il n’en était plus là. Il n’avait plus de haine à lui donner. Encore moins de pardon.


C’était fini.


Mort. Enterré.

Et c’était très bien ainsi.


Alors il reprit sa marche, le regard fermé.


- Ha… ya… L’appela-t-elle difficilement.


Sa voix se brisa davantage. Elle gonfla d’angoisse et de désespoir. Elle fit un pas tremblant, puis deux pour le rattraper, mais il continua sans un regard vers elle. Il rangea ses mains dans ses poches avec nonchalance, et lâcha avec sarcasme en tournant à peine le visage vers elle :


- Désolé de te décevoir, mais j’ai pris une résolution.


Devenir quelqu’un de bien. Pour elle.


- Et je n’ai pas l’intention de tout gâcher en tuant ma propre mère une deuxième fois.



A suivre...

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1 Comment


Hazz
Hazz
Jul 22

Ah purééééeee, je m'attendais pas à ce qu'il tombe sur sa mère en vrai puisqu'il l'avait déjà plus ou moins confrontée dans un "cauchemar", je m'attendais plutôt à ce qu'il croise son père aussi, mais peut-être que ça va finir par arriver ? En tout cas, encore un excellent chapitre, on sent que t'es impliquée à 10 000% et tout est travaillé dans les détails. Courage, on arrive bientôt à la fin de ce labyrinthe de malheur ! Tu nous tiens en haleine avec succès, tu gères 😍

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