- Je te pardonne, murmura Hayate, sa voix se brisant sous le poids de l'émotion. Je te pardonne...
Ses mots résonnèrent entre eux, réverbérant dans l’espace vide et sombre.
Et Hayate sentit quelque chose se briser en lui. Quelque chose qui devait être brisé depuis très longtemps déjà.
C’était comme si un nœud solidement serré autour de son cœur se défaisait d’un seul coup, libérant une clarté nouvelle. Une paix inconnue jusque-là.
L'enfant cligna des yeux, surpris, puis une lueur de compréhension et de soulagement traversa son regard. Comme si lui aussi, avait longtemps attendu ce moment. Les joues encore humides de larmes, il semblait soudainement plus léger, plus apaisé.
- Je te pardonne, moi aussi, lui dit-il, de sa voix fluette mais enrouée, comme à chaque fois qu’il voulait se donner un air adulte.
Il avait presque oublié qu’il faisait ça. Cette habitude de vouloir paraître plus mature pour affronter ce monde adulte qui le terrifiait. Une étrange émotion lui monta au cœur et il esquissa un sourire. À la fois amusé, et mélancolique.
- Mais à une condition, ajouta l’enfant en le considérant avec une sévérité et une détermination farouche.
Le sourire d’Hayate s’accentua.
- Je t’écoute.
Il leva l’index, le visage plus intransigeant encore :
- Que tu passes le reste de tes jours à essayer de te racheter !
C’était plus ou moins ce qu’il s’attendait à entendre. Hayate lâcha un petit rire, profondément attendri.
- C’est bien mon intention, lui répondit-il. Ne t’en fais pas...
Il était prêt. Prêt à lui consacrer sa vie.
Il allait tout faire pour devenir l’homme dont elle avait besoin. Celui qui pourrait la protéger, la soutenir et l'aimer comme elle le méritait. Il savait que cela n'allait pas être facile. Il allait devoir se remettre en question, affronter ses propres démons, plonger dans les recoins les plus sombres de son âme. Il allait devoir travailler sur lui-même, se corriger, évoluer. Il s'engageait sur un chemin long et compliqué, mais il était prêt.
Il ne voulait plus être cet homme brisé qui lui faisait subir ses propres traumatismes. Il voulait devenir celui qu'elle méritait. Celui qu'elle avait toujours voulu. Celui qu'elle n'avait jamais cessé d'attendre. Il allait devenir un homme meilleur, plus fort mentalement, et plus sage aussi. Il allait apprendre à l'aimer de manière inconditionnelle, sans possessivité, sans toxicité, sans jalousie...
Bon, il avait encore un long chemin à faire de ce côté-là, c'était loin d'être gagné, mais il allait faire de son mieux !
Il devait y arriver, il n'avait pas le choix. C'était le seul moyen qu'il avait trouvé pour essayer de se racheter. Peu importait combien de temps cela prendrait, il était déterminé à y parvenir. Parce que Megumi méritait le meilleur, et il voulait être ce meilleur pour elle.
Hayate se redressa, une nouvelle lueur de détermination dans les yeux. Le passé l'avait façonné, mais il ne le définirait plus. Il était temps de regarder vers l’avenir et de se concentrer sur la création d’un futur radieux. Pour elle. Pour eux deux.
Hayate ferma les yeux un instant, s'imprégnant de cette résolution. De cette euphorie et de cette impatience qui lui gonflaient la poitrine. Lorsqu'il les rouvrit, il sourit tendrement à son reflet enfant en brandissant son poing vers lui.
Le temps était venu de tourner la page et de commencer à écrire une nouvelle histoire. Leur histoire. Pour le bonheur de Megumi. Et pour le sien. Son sourire s’agrandit lorsque l'enfant pressa son poing contre le sien. Et à l'instant où Hayate prononça intérieurement et affectueusement les mots "Ouais, je te pardonne. Pauvre gosse détraqué," l'enfant franchit la distance qui les séparait et l'enlaça vivement, plongeant son visage radieux dans son ventre.
Hayate tressaillit, surpris...
Autant par ce geste que par l'émotion qui l'avait brusquement envahi. Il en avait le souffle coupé. C'était si doux, si douloureux...Mais aussi tellement particulier d’être enlacé par lui-même. Par son enfant intérieur.
Maladroitement, gauchement, il répondit à son étreinte et posa sa main sur son petit crâne. Il contracta la mâchoire et ferma les paupières pour tenter de contrôler les larmes qui lui montaient aux yeux. La chaleur de ce contact, la pureté de ce pardon, tout cela était presque trop dur à supporter. Mais il accueillit cette douleur, cette douceur, comme un baume sur ses plaies. Il serra l'enfant contre lui. Un profond soupir lui échappa alors que son cœur s'apaisait. Que son esprit s'éclaircissait...
Et soudain, brutalement, Hayate se réveilla en sursaut, prenant une énorme inspiration comme s'il sortait d'un cauchemar. Le regard écarquillé, il cligna frénétiquement des yeux, essayant de comprendre ce qui se passait. Il était désorienté, comme s'il venait de revenir d'un autre monde. Son corps était enserré par des lianes et enfoncé à l’intérieur d’un...Buisson ? Non ! Des murs !
Les murs du labyrinthe !
La prise des lianes semblait se desserrer, comme si elles perdaient leur emprise sur lui.
Il secoua la tête, le souvenir de sa rencontre avec son double encore vivace en lui. Les émotions, la douleur et la tendresse, tout était encore frais dans son esprit, alors il se concentra de toutes ses forces pour remettre les pieds dans la réalité. Puis, un juron incrédule lui échappa.
Bordel, non, il n’hallucinait pas ! Il avait réussi !
Il s’en était sorti !
Il avait réussi à se sortir de cette boucle infernale !
- Putain de merde ! J’y crois pas !
Sans prendre le temps de célébrer sa victoire, il s'empressa de se débattre pour se libérer.
Vite ! Il ignorait combien de temps il était resté là, à revivre ce cauchemar encore et encore, mais il était clair qu'il avait perdu beaucoup trop de temps !
Il se débattit furieusement, tirant sur les lianes qui le maintenaient prisonnier. Ses muscles tendus à l'extrême, il sentit les fibres végétales se desserrer sous sa force croissante. Avec un dernier effort surhumain, il déchira les dernières entraves qui le coinçaient et tomba lourdement à genoux sur le sol.
Les lianes ne cherchaient plus à le capturer. Elles retombaient toutes mollement autour de lui. Manifestement, à présent qu’il avait décidé de se pardonner, il était devenu ininteressant pour la créature vivant entre ces murs. Parfait ! C’était le moment où jamais de se sortir de là !
Son souffle était rapide, haletant, mais il ne prit pas le temps de se reposer, ni même de réfléchir à la suite. Il s’agrippa à l’une des lianes pour s’aider à se relever, tituba un peu en essayant de trouver son équilibre, puis il fonça à travers le chemin en espérant ne pas retomber sur la créature qui l’avait poursuivi juste avant.
- Par les cieux ! Hayate ! Retentit soudain une voix familière dans son dos.
La sphère de Loki passa vivement devant lui pour se retrouver à son niveau.
- Par le Créateur ! Par tous les noms du Créateur ! s’exclama-t-il, manifestement totalement abasourdis, comment as tu fais pour te sortir de là ?!
Il devinait au ton de sa voix qu’il avait réalisé une véritable prouesse. Il ne s’attendait manifestement pas du tout à le voir réussir à s’en tirer.
- Je me suis débrouillé, marmonna-t-il, essoufflé, en lui jetant un coup d’œil perplexe.
Hayate repensa à ce moment étrange où il avait discuté avec Megumi. Ce moment en dehors du temps. Ce moment volé où il avait eu l’impression de discuter avec elle. La véritable Megumi.
Le souvenir de ses mots, de sa voix douce et déterminée, de ses larmes, de son amour... Tout cela lui avait semblé si réel. Il avait voulu croire que c'était leur moment à eux. Rien qu’à eux.
Mais maintenant, une pensée insidieuse le rongeait.
Et si ce n’était qu’une illusion de plus ? Une manipulation de Loki pour le guider vers la sortie de cette boucle infernale ?
Cette idée ne lui plaisait pas du tout. Il avait envie de croire que c'était Megumi elle-même qui l'avait aidé. Qu'il avait partagé ce moment intime avec elle. Seulement avec elle.
Ce ne fut qu’à cet instant qu’Hayate réalisa qu’il avait oublié de bloquer ses pensées.
- Je vois, soupira Loki, l’air entendu, comme si Hayate venait de lui raconter tous les détails. Que les cieux soient loués.
D’un côté, cette réponse le soulageait, car manifestement, Loki n’était pas au courant de ce qui était arrivé dans le labyrinthe. D’un autre côté, il était furieux que ce sale type se soit à nouveau permis de fouiller dans ses pensées. Bordel de merde, il avait envie de l’étrangler!
- Avant tout, sache que ce n’était pas pour rien que les murs m’inquiétaient, reprit Loki, d’un ton plus solennel. Une fois que tu étais pris dans les pouvoirs de la créature de ce labyrinthe, j’étais complètement impuissant. Je n'avais absolument aucun moyen de communiquer avec toi, encore moins de t'aider ou d'intervenir d'une quelconque manière.
L’entendre de sa bouche le soulageait. C’était comme se débarrasser d’un gros poid sur ses épaules. Cela signifiait que ce n’était pas vraiment une illusion. Il avait vraiment vu Megumi. Sa Megu-chan ! La joie explosa dans son cœur, brûlante et puissante. Bordel, il avait l’impression que son cœur allait éclater à cause de la surchauffe. Il avait revu Megumi ! Il était si heureux ! Si heureux ! Bordel, il avait tellement envie de la revoir ! Une fois ce putain de problème réglé, il n’allait plus la lâcher d’une semelle ! Il allait devenir son ombre ! Plus question de passer ne serait qu’une seule seconde sans elle !
-Ensuite, je sais que l’idée que je lise dans ton esprit te dérange, mais malheureusement, j’y suis obligé, tu n’es pas particulièrement loquace, ajouta Loki avec une pointe d’ironie.
-Fils de pute ! Gronda-t-il, indigné de l’entendre assumer cela ouvertement, T’as pas à … !!
Hayate s’interrompit brusquement, l’esprit en alerte, alors qu’ils arrivaient à un angle du labyrinthe. Et soudainement, une ombre massive s’abattit brutalement sur lui.
Instinctivement, il fit un pas en arrière, aussi vif que l’éclair, et une masse gigantesque le frôla avant de s’écraser lourdement sur le sol, juste devant lui. Bordel ! Un peu plus, et il serait mort sur le coup !
Hayate recula vivement de quelques pas, son regard rivé sur la silhouette qui se dressait devant lui. C’était un homme bien plus grand et massif que lui, avec une expression de fureur folle sur le visage.
Hayate tenta de se rappeler où il avait déjà vu cet homme, mais sa tête ne lui disait vraiment rien. Peut-être un combat qui avait mal tourné, une dispute oubliée parmi tant d’autres. Il était tenté de lui poser la question, mais l’homme n’était pas là pour discuter. Il se rua sur lui, brandissant son arme avec une détermination meurtrière dans le regard.
Hayate esquiva agilement l'attaque, continuant de fouiller dans sa mémoire. Puis, une vive impatience monta brusquement en lui.
« Putain, mais qu’est-ce que ça peut me foutre de savoir qui est ce mec ? J’ai autre chose à faire ! » s’agaça-t-il soudainement.
— Ven... geaaaaance ! gronda l’homme, d’une voix à peine humaine, en l’attaquant à nouveau.
Hayate se hissa sur le côté sans se fatiguer, puis lui fit un croche-pied. L’homme trébucha lourdement et, profitant de sa surprise, Hayate lui déroba son arme dans un mouvement fluide. Il la fit tourner pour placer la masse vers le bas et l’enfonça brutalement contre la tête de son adversaire, lui explosant le crâne sur le coup.
Le corps s’effondra, inerte, et Hayate n’attendit pas de le voir s’évaporer pour reprendre sa course. Il fonça à travers le labyrinthe, tous ses sens en alerte .
Sa main chercha machinalement son poignard, et il réalisa subitement qu'il l'avait perdu. Merde... C'était la seule arme qui lui restait. Bordel, cela ne lui ressemblait pas.
Habituellement, il était méticuleux, toujours à s'assurer qu'il avait tout ce dont il avait besoin avant de se lancer dans l'inconnu. Il prenait ses précautions, veillait à chaque détail. Mais là, il se précipitait, poussé par l'urgence de la situation.
Tant pis. Il n’avait pas le temps de retourner en arrière pour le chercher. Il accéléra le pas, sans prêter attention à sa fatigue, ni à sa soif, ni à ses blessures qui lui meurtrissaient le corps.
Merde, encore deux choix de direction ! Laquelle choisir ?
La droite ? La gauche?
- Eh ? Gronda-t-il à la sphère en se retenant de l’insulter de tous les noms, T’es pas censé me guider ?! Alors guide-moi, bordel de merde !
-Je suis désolé, répondit Loki, tournant manifestement des pages. Je n’ai aucune indication. J’ai essayé de regarder au-dessus des murs, mais un sortilège m’empêche d’aller au-delà de trois mètres de haut !
- Ouais à part me fouiller le crâne, tu me sers à que dalle quoi !
Et alors qu'il s'approchait de la fin du couloir, il aperçut deux silhouettes en train de l'attendre, leurs armes scintillant faiblement dans l'obscurité.
Pas de temps à perdre. Pas de réflexion superflue. Il avait bien assez trainer dans ce labyrinthe comme ça !
Il se lança en avant, sans ralentir le pas. Les deux hommes, des figures de son passé qu'il ne reconnaissait même pas, brandirent leurs lames, prêts à en découdre.
D'un mouvement fluide, il esquiva leurs attaques. Puis , en une fraction de seconde, il posa ses mains sur leurs mâchoires et, avec une force implacable, leur brisa le cou, sans ralentir le pas.
Les deux silhouettes retombèrent mollement sur le sol derrière lui, mais il continua sans un regard en arrière. Il n’avait plus le temps de s’attarder. Il devait aller vite.
D'ailleurs, était-il vraiment obligé de s’embêter à tous les tuer une seconde fois pour pouvoir continuer ? Le but était de sortir de ce putain de labyrinthe, non ?
Et alors qu'il décidait de tourner à droite, à l'angle du couloir, son regard percuta brutalement deux émeraudes aussi sombres et glaciales que la nuit…
A suivre...
La partie de l'aimer sans jalousie ni toxicité j'y crois moyen mais c'était super beau et émouvant